La chute du réseau Renard Poitiers 1942. Le S.S., le préfet et le résistant

CALMON Jean-Henri, La chute du réseau Renard Poitiers 1942. Le S.S., le préfet et le résistant, La Crèche, Geste éditions/histoire, 2013 (dernier tirage mai 2015), 321 p.

Ce livre traite du démantèlement de l’un des tout premiers mouvements de Résistance en France, fondé à Poitiers en 1941, par l’avoué Louis Renard. Il fut le second à tomber après celui du musée de l’Homme à Paris. Sur un peu moins de 120 personnes concernées, 74 furent arrêtées, 29 déportées, 19 moururent en Allemagne dont 10 par décapitation après avoir comparu, à Wolfenbüttel, devant une section du Tribunal du Peuple, spécialement détachée de Berlin, 10 en revinrent.

L’ouvrage révèle que cette affaire fut la première en France à être traitée selon le nouvel accord, conclu au même moment, entre, d’une part, le général Karl OBERG, chef suprême des SS et de la police en France et René BOUSQUET, Secrétaire Général à la police du gouvernement LAVAL, d’autre part. D’où le zèle déployé ici par l’administration préfectorale et sa police pour que cette enquête connaisse une issue favorable et constitue, ainsi, une preuve manifeste de la loyauté des autorités françaises à l’égard du partenaire allemand dont elles souhaitaient avant tout gagner la confiance. René BOUSQUET croyait beaucoup à cette coopération policière très poussée. Il y voyait le moyen d’obtenir un peu plus d’autonomie pour sa police et de recouvrer, pour le gouvernement, un peu d’une souveraineté passablement écornée par la défaite et l’armistice.
Tout fut donc mis en œuvre pour que cet objectif soit atteint. Un long chapitre est consacré à l’action des préfets, en particulier à celle de Jean LEGUAY, le second de René BOUSQUET et son représentant à Paris, responsable avec lui de la rafle du Vel’ d’Hiv’ en juillet 1942, ce qui lui valut en 1979 d’être le premier Français à être inculpé pour crime contre l’humanité. C’est ce personnage de tout premier plan qui transmit, au nom du pacte fraîchement arrêté, et sur-le-champ, le dossier de l’affaire Renard à Kurt LISCHKA, l’adjoint de KNOCHEN, chef du BdS, lui-même bras droit de Karl OBERG et, selon Pascale FROMENT, le « véritable cerveau de la Gestapo en France ». Ce haut dignitaire de la SS en France donna immédiatement les instructions nécessaires à la conduite de l’enquête, confirmées un peu plus tard aux policiers français par LEGUAY et scrupuleusement observées, sur place, par le préfet Louis BOURGAIN et ses collaborateurs.
À la Libération, LEGUAY, fut entendu à Poitiers par le juge Joseph FARISY dans le cadre de l’instruction du procès BOURGAIN qui devait se tenir le 10 septembre 1945, et pour lequel il était convoqué comme témoin. Réalisant, après cette audition, qu’il ne pourrait plus échapper à une inculpation dans l’affaire Renard, il se déroba et gagna les États-Unis, expliquant dans une lettre adressée le 28/8/45 au Président de la Cour de justice de la Vienne, qu’il avait dû rejoindre Washington pour une mission officielle qui consistait à «seconder puis remplacer le chef de la mission Art et Création ». La copie de l’ordre de mission jointe au courrier portait la date du départ : 25 août 1945. LEGUAY, sous un prétexte futile, et avec l’aide de puissants protecteurs, était parvenu à s’enfuir et à s’assurer d’une impunité durable !
Le lecteur découvrira, non sans surprise, que figurait dans ce groupe de résistants poitevins, Jean MULTON, agent d’assurances à Civray (Vienne), qui parvint à s’échapper et à se réfugier à Marseille où il devint, à «Combat », l’adjoint de CHEVANCE-BERTIN sous le pseudonyme de LUNEL. Arrêté, puis retourné par les Allemands, il provoqua l’arrestation de nombreux résistants parmi lesquels Bertie ALBRECHT, l’alter ego de FRENAY à la tête de « Combat », le général DELESTRAINT, chef de l’Armée Secrète etc. Responsable de l’arrestation de René HARDY, il est ainsi directement impliqué dans celle de Jean MOULIN.
Le livre est riche encore d’informations sur la première Résistance, sur ses objectifs, sur le contexte politique dans lequel se mouvaient les hommes qui l’avaient ralliée (sans rien dissimuler de leurs faiblesses ou de leurs manquements), sur la composition sociologique du groupe qui comptait une proportion étonnamment élevée de clercs, sur les conditions de détention et les relations avec l’extérieur, sur le sort épouvantable des détenus dans les camps, sur la question complexe de la liquidation et de la reconnaissance, sur la manière dont le préfet et les siens, à la Libération, en mésusèrent contre RENARD et ses amis, et comment nombre de personnalités influentes de la ville en tirèrent argument pour se justifier d’un attentisme devenu suspect, au détriment du mythe en voie de construction.
 Jean Henri Calmon

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