Daniel Bonnin, curé de Smarves, mort en déportation

L’Abbé Daniel Bonnin, curé de Smarves depuis 1938, entre dans le réseau de résistance de Louis Renard en 1942. Il est arrêté lors du démantèlement du groupe le 30 septembre 1942 par la gestapo poitevine. Déporté en Allemagne en février 1943, il connait différents camps concentrationnaires, pénitenciers et autres centres de travail forcé. Il tente de résister aux humiliations et à la violence des geôliers et est considéré comme directeur spirituel par ses camarades de captivité. Il paye de sa vie ces actes de résistance le 4 avril 1945.

Abbé Bonnin (« Le clergé poitevin face à la barbarie nazie » de l’abbé de la Roulière)

(Voir annexe 1 : Sa jeunesse, ses études, le début de son sacerdoce).

Le patriote.

            En juillet 1938, la commune de Smarves accueille son nouveau curé : l’abbé Daniel Bonnin. C’est un patriote. C’est ce que découvrent ses paroissiens à l’occasion de la petite allocution qu’il prononce lors des cérémonies du 11 novembre 1938 pour rendre un vibrant hommage aux morts de 14-18 : « Ils se sont montrés généreux jusqu’au dévouement total… Contre l’envahisseur, tous se lèvent : l’ouvrier, le paysan, le curé… ». Il n’est mobilisé qu’en avril 1940 et envoyé à Marmande pour faire ses classes. Il est ensuite affecté à La Capelle-Livron aux portes du camp de Caylus, dans le Tarn-et-Garonne, où l’on met sur pied de nouveaux bataillons d’infanterie légère d’Afrique avec des recrues sorties de prison ou ayant des antécédents judiciaires. En tant que prêtre, il joue un rôle dans leur formation morale mais participe activement à l’instruction militaire : « C’est moi qui fais le meilleur tir de la section » écrit-il à sa sœur. Cette préparation est interrompue par l’armistice. Dans le sermon qu’il prononce, en juillet 1940, à l’occasion d’une messe dite devant le bataillon, il exhorte ses camarades à demeurer activement patriotes ; un officier présent s’en offusque et lui inflige un blâme. Il est profondément écœuré par le mauvais esprit qui, selon lui, règne dans l’armée et souligne tout particulièrement la médiocrité de certains officiers « bourgeois habitués à prendre toutes leurs aises ». Quant aux sous-officiers, « C’est souvent parmi eux que l’on trouve les antimilitaristes les plus avancés ». Démobilisé, il retrouve sa paroisse de Smarves, en zone occupée, découvre que les vainqueurs ont confisqué la salle des rencontres et qu’ils réquisitionnent parfois l’église pour des messes célébrées par leur aumônier. Dans ces cas-là, Daniel Bonnin prend place au fond du sanctuaire, et explique : « Je suis chez moi. Quant à eux ils n’y sont pas et je n’en sortirai que par la force, car j’ai le devoir de savoir ce qu’on fait dans mon église ».

            Le dimanche 20 juillet 1941, à la sortie de la messe, des soldats de la Wehrmacht arrêtent Lucie, sa jeune sœur ainsi qu’une camarade de son âge, toutes deux sont accusées d’avoir tracé des V de la victoire et des croix de Lorraine sur les murs du village (voir annexe 2). L’abbé s’interpose et lance : « Messieurs, vous pouvez faire tout ce que vous voudrez mais sachez bien qu’un jour, vous serez vaincus ! », une répartie qui lui vaut de passer 15 jours à la prison de la Pierre-Levée.

Le Résistant.

            Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le curé de Smarves adhère au groupe de résistance fondé par Louis Renard en 1942 et au sein duquel les membres du clergé sont nombreux (abbés Billard, Bressollette, Decourt, Gautier, chanoine Duret, frère Aimé Lambert bibliothécaire de l’abbaye etc.). C’est au presbytère de Fabien Billard que les curés Bonnin, Decourt et Gautier rencontrent Louis Renard qui leur expose ses idées et son plan. Lorsque le jeune Clément Péruchon met la main sur la liste des membres du parti collaborationniste de Jacques Doriot, c’est bien par les truchements successifs de Lambert, Bonnin et Duret qu’elle parvient à Renard.

            L’interception malheureuse d’un colis à la poste de Niort provoque, comme on le sait, le démantèlement du réseau Renard, ainsi que l’arrestation de la quasi-totalité de ses membres, par les polices française et allemande, agissant de concert dans le cadre des accords Oberg/Bousquet.  C’est tout naturellement chez Daniel Bonnin, au presbytère de Smarves, que Pierre Bernanose conduit les fils de Louis Renard (Henri et Georges) en fuite, où ils passent la nuit du 30 août 1942. Daniel Bonnin est arrêté le 30 septembre 1942, en même temps que Fabien Billard, par les hommes de la Gestapo de Poitiers et conduit à la Pierre-Levée. Interrogé, l’impétueux curé refuse de coopérer et justifie son attitude : « J’ai tout nié, même l’évidence, et lorsque l’agent de la Gestapo m’a demandé de prêter serment, j’ai répondu : je jurerai tout ce que vous voudrez. On ne doit pas la vérité à ces gens-là ». On le garde à l’isolement dans sa cellule pendant deux mois, après quoi il rejoint le père Lambert à qui il remonte le moral dans la cellule 11. À la promenade du matin, il est interdit de parler mais Daniel passe outre, nargue les gardiens, ou s’arrange encore pour faire passer des petits mots aux autres détenus. En guise de punition, on l’oblige à nettoyer les lieux d’aisance ; il est vraisemblable, que c’est en exécutant cette tâche humiliante qu’il a contracté le mal qui l’immobilise pendant une quinzaine de jours. Comme tous les prisonniers, il est autorisé à recevoir de sa famille un panier de ravitaillement où se glissent journaux et livres et par lequel il fait, en retour, transiter clandestinement des lettres à la famille. Le courrier officiel doit en effet passer par la censure et n’arrive que rarement au destinataire. Une seule de ses lettres est parvenue à sa sœur Marcelle. Datée du 28 janvier 1943, elle renfermait un message crypté qui avait échappé à la censure : « Nous avons un examen, paraît-il, en février pour la Sainte Scolastique ». Il se fait ainsi l’écho du bruit qui court dans la prison selon lequel un procès se tiendrait à cette date pour les juger. Il y fait également allusion aux brimades dont ils sont victimes : « Le père supérieur (entendez le chef de la prison) est venu dans notre chambre, il a trouvé que j’avais trop de livres et m’en a fait retourner le plus grand nombre », ou encore : « Notre économe, toujours en quête de nouveauté a décidé que ceux qui recevraient de la nourriture de l’extérieur auraient seulement le pain du séminaire ». En réalité, cette mesure, qui revenait à supprimer le panier était prise lorsqu’on estimait que les prisonniers avaient manqué aux règles imposées par la discipline.

            Le 12 février 1943, les 29 détenus du réseau sont emmenés à la gare de Poitiers et embarqués dans un train pour une destination inconnue ce qui n’empêche pas Daniel Bonnin d’entonner le chant des scouts, « Oui nous nous reverrons mes frères, ce n’est qu’un au revoir ». Quelques heures plus tard ils arrivent à Paris-Austerlitz d’où ils sont conduits à la prison de Fresnes qu’ils ne quittent que le 18 février 1943 pour prendre le chemin de la déportation en Allemagne.

Résister à la violence des geôliers.

            Faute d’être en mesure de s’opposer à l’occupation, Daniel Bonnin va mobiliser toutes ses forces pour résister aux humiliations qui, selon la méthode nazie, visent à dégrader et à avilir l’être humain.

            Après une courte halte à Trèves, ils sont débarqués à Reinsfeld et transférés au camp d’Hinzert sur lequel est déployée la bannière des SS. À peine arrivé, Daniel Bonnin attire sur lui l’attention malveillante d’un gardien, le sergent Brendel qui l’interpelle sans ménagement : « Regardez-moi ce c… de curé ! Tu as oublié ton bon Dieu, hein ! Aucune importance ce n’est pas lui qui pourrait te tirer de là ! ». Et c’est lui qui inaugure les coups distribués généreusement par le commandant du camp, ainsi que la schlague du kapo de service. Très vite ses camarades reçoivent leur part. Tête rasée, dépouillé de ses vêtements, le nouvel arrivant se voit attribuer un numéro comme identité principale. Les hommes d’église doivent revêtir une tenue spéciale marquée au dos du sigle PX. Les clercs poitevins (Billard, Bonnin, Duret, Lambert) sont mis à l’épluchage des légumes, tâche plus facile, mais pour tout le reste, ils sont soumis au traitement commun : coups, brimades et humiliations de toutes sortes. Daniel se montre toujours optimiste, plein d’espérance, sentiment qu’il répand autour de lui en prodiguant des paroles de réconfort à tous ceux qui en ont besoin. En mars 1943 il séjourne à l’infirmerie pour une mauvaise angine et y retrouve le docteur André Chauvenet qu’il avait connu à l’hôpital de Thouars avant-guerre. Il y revient pour une pneumonie qui met ses jours en danger mais il a encore assez de force pour assister dans leur agonie deux de ses camarades du réseau, Louis Bordas et Joseph Riedinger qui meurent l’un après l’autre, presque au même moment, les 14 et 15 mars 1943.

            Il quitte l’infirmerie le 19 avril 1943 pour être transféré avec les autres Poitevins à la prison de Wolfenbüttel. Long voyage qui dure deux jours au cours duquel Daniel récite son chapelet à haute voix. À la prison ils sont rassemblés dans une même salle où on les occupe à découper des pièces moulées dans des coques de simili-caoutchouc. Pendant ces journées de travail, il s’efforce de remonter le moral de tous, mais ils sont bientôt enfermés dans des cellules séparées. À la fin du mois de mai, 11 d’entre eux reçoivent notification de leur comparution prochaine devant un tribunal pour y répondre des crimes que le régime nazi leur impute. Daniel n’en fait pas partie, comme 15 autres membres du groupe. Grâce à un gardien compréhensif, il peut assister le chanoine Duret, inculpé, gravement malade et épuisé, qui est mourant et qui expire le 30 mai. Les 10 accusés restants sont jugés les 12 et 13 octobre 1943, condamnés à mort et guillotinés le 3 décembre suivant à la prison même. Les 16 autres sont dispersés dans différents pénitenciers et centres de travail forcé. Daniel se retrouve à la sucrerie de Klettendorf en compagnie de Raymond Marot, l’inspecteur primaire qui lui voue une grande admiration pour son courage exemplaire, et qui écrit : « Il mettait un tel esprit à narguer les gardiens et une telle adresse à saboter son travail que nous en étions émerveillés ». Un comportement qui lui vaut, après dénonciation, d’être incarcéré à la prison de Breslau. Il en sort en mai 44 pour une affectation au Kommando de Langenbielau mais il ne s’amende guère aux yeux de la Gestapo qui le considère comme dangereux et le réexpédie dans la geôle qu’il vient de quitter. De retour à Breslau, il fait la connaissance d’un médecin de Vesoul, le docteur Normand, avec lequel il sympathise immédiatement et qui se souvient : « Souvent, le soir, dans le calme de la cellule, nous lui demandions de chanter une chanson régionale, un beau cantique ou cette prière du soir des scouts :  »Avant d’aller dormir sous les étoiles’’ qui est si émouvante. Il s’exécutait avec sa bonne grâce coutumière, puis nous nous couchions côte à côte sur la même paillasse sur le plancher de la cellule ». Et le médecin d’ajouter : « Bien qu’il y eût plusieurs prêtres dans la cellule, l’abbé Bonnin était considéré comme le curé de la cellule… C’était lui qui disait la prière le matin et le soir. C’est lui, qui, le dimanche nous lisait la prière de la messe. C’est lui que ses confrères prenaient comme directeur spirituel ». Un jour de l’été 44, un gardien ramasse un petit carnet qu’un prisonnier a laissé tomber par inadvertance. Afin de protéger le camarade fautif, Daniel s’en proclame spontanément le propriétaire et se voit infliger deux semaines de cachot pratiquement privé de nourriture. À peine en est-il sorti qu’il y est renvoyé pour avoir été surpris à jouer aux échecs avec Jean-Albert Petit, le commissaire de police poitevin, également membre du réseau et son compagnon d’infortune.

            Le 13 octobre 1944 ils sont tous transférés au camp de Gross Rosen où ils redécouvrent l’enfer concentrationnaire. Le soir de Noël 44, et en dépit du danger que cela présente, l’abbé Bonnin célèbre la messe au Block 10 après avoir confessé 150 prisonniers ! Quelques jours plus tard, épuisé, il tombe malade. Le docteur Normand diagnostique une pleurésie et parvient à le faire admettre à l’infirmerie du camp.

            Le 11 février 1945, devant l’avancée des troupes soviétiques, les autorités allemandes commencent l’évacuation des lieux. Toujours malade, Daniel est d’abord expédié au camp de Dora-Mittelbau, puis à la caserne Boelcke de Nordhausen, immense hangar où l’on réparait jusque-là les panzers. Selon ses compagnons il est alors d’une extrême maigreur, étendu sur son lit dans le coin-infirmerie réservé aux tuberculeux. Daniel, le courageux curé de Smarves, meurt dans la nuit du 3 au 4 avril 1945 alors que l’endroit est violemment bombardé par la Royal Air Force. Selon Normand, « Il fut tué vraisemblablement par rupture interne, car il ne portait aucune trace de blessure ». Et, selon le même, huit à neuf jours plus tard, alors que « la décomposition commençait à faire son œuvre », sa dépouille fut ensevelie avec 2500 autres dans une fosse commune, au centre de la caserne.

            À Smarves, la place de l’église porte le nom de ce prêtre héroïque depuis 1947.

Annexe 1 : Sa jeunesse, ses études, le début de son sacerdoce.

Un enfant timide fragile et pieux.

            Daniel, Louis, Joseph Bonnin est né le 19 mars 1907 à Loubillé (79), au hameau de Potonnier, troisième d’une famille de neuf enfants dont les parents, Frédéric et Louise (née Renaudet) exploitent une ferme sur les rives de l’Aume (l’Osme, dans sa forme ancienne), affluent de la Charente. La rivière et les pâturages qui la bordent constituent un formidable terrain de jeu pour le petit blondinet aux joues roses qui adore grimper jusqu’au sommet des peupliers pour y dénicher les petits corbeaux. Sa distraction préférée reste pourtant le chant et il se distingue dans l’interprétation des tyroliennes. D’ailleurs, c’est parce qu’on y chante beaucoup qu’il apprécie les cérémonies religieuses.

            Mais cet enfant timide est de santé fragile, si bien que sa mère est très souvent amenée à le garder à la maison au lieu de l’envoyer en classe, d’autant qu’en 1914, l’instituteur de Potonnier est mobilisé, et ses élèves contraints de faire 3 km à pied pour se rendre à l’école la plus proche. Daniel prend beaucoup de plaisir à l’instruction religieuse et quand il mène les bêtes aux champs, il emporte toujours avec lui le catéchisme des classes supérieures qu’il étudie scrupuleusement. Et c’est ainsi que le 19 juin 1919, il fait sa communion solennelle dans la joie et la reconnaissance, un état qu’il prolonge en s’imposant la lecture quotidienne d’un passage de L’imitation de Jésus-Christ ou des Évangiles.

            À cette époque, la famille Bonnin déménage à la Bonnière, commune de Sauzé-Vaussais. Un dimanche, à la sortie de la messe, sur le parvis de l’église, l’abbé Giroire, curé-doyen du village, interpelle sa maman : « Il faut, Madame, des vocations chez vous », ce à quoi elle répond sur-le-champ : « C’est Daniel, Monsieur le doyen qui sera prêtre ». Elle connaît l’inclination de son fils et n’a pas l’intention de la contrarier. Dès la première entrevue le prêtre constate les graves lacunes scolaires de Daniel et décide d’y porter lui-même remède. Après quoi il lui enseignera les rudiments du latin. Très vite il remarque la vive intelligence de cet adolescent, si réservé qu’il se contente d’esquisser un sourire pour indiquer qu’il a compris. Sa vie s’écoule désormais au rythme des travaux de la ferme et des leçons du maître. En 1921, année de ses 14 ans, il entre en cinquième au petit séminaire de Montmorillon et doit travailler dur pour rattraper le retard qu’il a sur ses condisciples. Malheureusement une mauvaise grippe vient interrompre sa scolarité et le force à revenir chez lui pour se soigner. Une fois encore le curé doyen de Sauzé lui apporte son précieux appui et il peut reprendre des études qui le conduisent au baccalauréat.

Un mystique dans le siècle.

            Au séminaire, la coutume veut que les élèves de terminale prennent la soutane avant l’heure. Daniel ne fait pas exception et prend l’habit ce 25 mars 1926. Des lors, pour sa famille, il devient « l’abbé ». L’année suivante, il entre en deuxième année de philosophie au grand séminaire de Poitiers. Pour pallier une santé toujours chancelante, on lui organise des activités variées, par exemple remplacer des maîtres absents dans les collèges catholiques de la ville. Expérience qui ne lui laisse pas de bons souvenirs : pour lui, c’est un métier pire que le bagne tant les élèves paraissent plus intéressés par les délices du jeu que par les leçons : « Le professeur n’a aucune influence sur leur cœur : c’est un pion ».

            En vérité, c’est à la réflexion et à l’étude qu’il se livre avec passion, particulièrement porté sur les cours de théologie et de philosophie du séminaire qu’il complète avec ceux de la faculté des lettres de Poitiers où il s’est inscrit. Il s’intéresse encore à l’architecture du Moyen-Age, sujet de conférences qu’il donne au grand séminaire. Mais sa préoccupation majeure est bien l’approfondissement de sa spiritualité : « Je n’attache d’importance qu’aux grandes réalités spirituelles », écrit-il à sa sœur. Son regard se porte en permanence vers les sommets de la sainteté, et pour cela : « La lutte doit être … acharnée, continuelle. Le Saint est un homme sans repos ». Cette quête d’un idéal quasiment inaccessible l’ébranle au point qu’il en arrive à douter : « J’ai besoin de me sortir de la vase ». Il se tourne alors vers le Christ : « Jésus, venez me donner la main ; jamais je ne sortirai seul du bourbier dans lequel je m’enfonce chaque jour ». Pour repousser faiblesses et tentations, pour vaincre la perplexité qui le mine dans ce combat contre lui-même, il compte avant tout sur l’Eucharistie. Il aime le débat mais en fixe impérativement les limites : « La vérité est bien trop précieuse pour s’exposer à la perdre ».

            Un mysticisme qui aurait dû le conduire au monastère mais il a d’abord voulu être un prêtre dans son siècle, afin de peser directement sur les âmes d’un peuple réputé « insensible au spirituel », mais, en réalité toujours prompt à suivre le pasteur dont la grande spiritualité a valeur d’exemple, pour peu que celui-ci soit doté d’un tempérament « d’entraîneur ».

            C’est donc solidement ancré dans ses convictions que Daniel Bonnin est ordonné prêtre le 17 décembre 1933 par Mgr Costes, coadjuteur de l’évêque d’Angers. Il célèbre sa première messe le 18 décembre 1933, en l’église de Rouillé, assisté de l’abbé Devergne, futur archiprêtre de Loudun. En 1934, on lui confie une charge d’enseignement au collège St Charles de Thouars alors qu’il a entrepris d’étudier les textes anciens ainsi que le grec en vue d’obtenir une licence de lettres à la faculté de Poitiers où il se rend à motocyclette. C’est beaucoup d’occupations car dans le même temps, il doit desservir la paroisse de Missé (79) et visiter les malades de l’hôpital de Thouars, mission qui lui importe par-dessus tout car : « C‘est au chevet des malades que l’on touche au plus près les âmes ». Dans toutes ces fonctions il se heurte aux tenants de l’incroyance, qu’il nomme les « primaires » et qu’il combat, on va le voir, par l’arme culturelle.

Le curé en action.

            Nommé en 1935 dans la paroisse de Genouillé (canton de Civray) à laquelle on a ajouté celle de Lizant, il réorganise aussitôt les catéchismes et aménage, grâce à une souscription, une salle jouxtant le presbytère pour accueillir les enfants. En février 1938 il anime une mission qui se termine le 27 par la bénédiction d’un calvaire. Toujours avec le concours financier des fidèles, il dote l’église de Lizant d’un nouvel harmonium. À l’été 1938, il quitte Genouillé pour Smarves près de Ligugé, à deux pas de Poitiers et de l’université où il poursuit des études qui prennent fin en mars 40 (il possède alors trois certificats de licence). Il est installé dans sa nouvelle fonction le 3 juillet 1938 au cours d’une messe célébrée par l’abbé Fabien Billard, doyen de La Villedieu-du-Clain, qui l’adoube en termes élogieux devant ses nouveaux paroissiens.

            Sa maman ainsi que trois de ses frères et sœurs viennent vivre avec lui au presbytère. Le nouveau curé s’applique avec courage à remettre de l’ordre dans cette paroisse trop longtemps négligée. Les enfants du catéchisme sont regroupés en « cœurs vaillants » pour les garçons et « âmes vaillantes » pour les filles. Ils forment tous ensemble un groupe choral qui participe aux offices religieux, s’occupe de l’harmonium mais aussi de l’entretien du linge d’autel et de la décoration de l’église. Dans le prolongement du catéchisme, il multiplie les activités : promenades, projections de films, cours de chant. Devant l’ampleur des tâches, il délègue le cours de solfège pour les filles à un moine bénédictin de l’abbaye voisine de Ligugé avec laquelle il entretient des liens d’amitié. En novembre 1938 il fonde L’Entente qui rassemble tous les garçons du village et monte avec eux une pièce de théâtre, Le mystère de Keravel, de Théodore Botrel qui, dès sa première représentation, remporte un franc succès, et il en tire une conclusion encourageante : « Ce soir le patronage Saint Félix vient d’entrer dans la réalité » (l’église de Smarves était en effet placée sous l’invocation de Saint Félix). En juillet 1939, il organise une grande kermesse dont la recette contribue à financer la construction d’une salle paroissiale adossée au presbytère. Au mois de septembre suivant, il confie à quelques sœurs réfugiées de l’Est et hébergées à l’abbaye, un enseignement ménager gratuit pour les filles des villages alentour.

Annexe 2 :

            Le 20 juillet 1941, Lucie Bonnin et son amie Françoise Dantan, sont arrêtées par la Feldpolizei, puis aussitôt emprisonnées à la maison d’arrêt de la Pierre-Levée. Elles sont jugées par la cours martiale du tribunal militaire de la Feldkommandantur 677, le 24 juillet 1941. Accusées de propagande anti-allemande et de manifestation politique contre la Wehrmacht, Lucie est condamnée à un an de prison, Françoise à quatre mois. Afin de libérer des cellules à la prison de Poitiers, elles sont transférées à la prison d’Angoulême le 14 octobre 1941.

Sitographie :

cimetieresmellois.fr [Cimetière du Mellois et d’ailleurs, extrait du blog des artistes oubliés].

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Boelcke-Kaserne-Tote_HäftlingeA.jpg