Le camp d’Internement de Rouillé ( Vienne )

Le camp d’internement administratif de Rouillé fut ouvert le 6 septembre 1941 sous la dénomination de « Centre de séjour surveillé ».

Le camp d’internement de Rouillé

Les internés étaient classés en plusieurs catégories :
1) Les  » politiques  » composés de communistes essentiellement, de personnes arrêtées pour avoir émis des opinions opposées aux nazis et aux vichystes, de personnes arrêtées alors qu’elles tentaient de rejoindre l’Angleterre, des républicains espagnols.
2) Les  » marché noir  » ; leur séjour était souvent de courte durée.
3) Les  » droits communs  » dont certains étaient de célèbres gangsters ; d’autres étaient là pour  » moucharder  » les politiques. Quelques uns ne voulurent pas se prêter au jeu et connurent, comme les politiques, la déportation.
4) Les  » indésirables  » étrangers ; en plus des Espagnols, il y eut des Russes, des Arméniens, des Italiens, des Portugais…

Le camp était composé d’une quinzaine de baraques en bois, sur une surface d’1,5 ha et entouré d’une double rangée de fils barbelés entre lesquels couraient des entrelacs de ronces, le tout dominé par deux miradors qui permettaient la surveillance.

Les conditions matérielles et sanitaires y étaient tout à fait déplorables, la nourriture presque exclusivement végétarienne : carottes à vache, rutabagas et topinambours.
En novembre 1942, un rapport médical relève  » pas d’avitaminose mais quelques alcaloses par nourriture trop végétarienne qu’un quart de vin combattrait… « . Hélas ! Le vin était une denrée rarissime.

L’effectif total fut très variable : 149 détenus à l’ouverture (membres du Parti Communiste de la région parisienne), 654 en septembre 1942 (maximum) et 379 avant l’attaque des F.T.P.F.(Francs Tireurs et Partisans Français) dans la nuit du 11 au 12 juin 1944. A ce moment, 47 détenus rejoignirent les maquis voisins.

Le personnel de service, français, comprenait des gendarmes, des policiers d’Etat et des gardiens auxiliaires. Il y eut toujours un gardien pour 6 à 8 internés.

Les 9 premiers otages fusillés dans le département, à Biard (près de Poitiers), viennent de ce camp : jeunes communistes âgés de 20 à 30 ans, ils sont pris par la Feldgendarmerie les 7 mars et 30 avril 1942 et fusillés.

Soeur Cherer, assistante sociale, Raymond Picard, commerçant à Lusignan qui lui servait de chauffeur, Georges Debiais, marchand de grains à Saint-Sauvant, le Dr Cheminée de Rouillé, médecin du camp, Camille Lombard, photographe, et plusieurs autres anonymes œuvrèrent pour améliorer les conditions de vie et parvinrent à faire évader quelques internés.

Raymond Picard, pendant 15 mois, se rendit compte  » de l’activité extraordinaire de cette patriote hors série  » que fut Sœur Cherer.  » Sa cornette, son imposante personnalité et sa parfaite connaissance de l’allemand étaient des atouts dans les circonstances du moment.
Par la Croix Rouge, par des dons, elle avait monté un véritable magasin d’effets qu’elle distribuait aux détenus suivant leurs besoins. Elle n’oubliait personne. Comme assistante sociale du camp, cette activité était tolérée « .
L’approvisionnement en nourriture et en boisson était, par contre, prohibé. Malgré l’interdiction formelle, malgré les difficultés d’approvisionnement, malgré les risques, Sœur Cherer parvint à faire entrer dans le camp de la nourriture, cachée dans le double plancher, fabriqué à cette occasion, de la camionnette. Le vin était caché dans des bouteilles de bière qui étaient tolérées.
Sœur Cherer s’occupa aussi du courrier des internés afin qu’ils puissent communiquer avec leurs familles ce qui était formellement interdit. Le courrier était caché dans les caisses, à double fond, qui contenaient les vêtements.
Une anecdote, racontée par Raymond Picard, permet de se rendre compte du courage, de l’aplomb et du caractère de Sœur Cherer :  » Un jour, une mission allemande arriva pendant que nous procédions à un tel déchargement [de viande, cachée dans des caisses de vêtement]. Sœur Cherer s’avança vite au-devant d’eux et avec une aussi hautaine attitude que ses interlocuteurs, elle leur parla aussi longtemps que dura le déchargement. Celui-ci terminé, elle me commanda sèchement d’avancer et, devant les allemands au garde-à-vous, elle monta dans le camion et nous sortîmes du camp avec la caisse à double fond qui contenait, comme d’habitude, le courrier que les détenus envoyaient à leurs familles « .

                 Article rédigé par l’équipe VRID