Camp de la route de Limoges : 1-présentation

BRUITS DE BOTTES
Le camp de la route de Limoges à Poitiers est l’aboutissement de décisions prises bien avant 1940.

3 – Vue aérienne du camp de la route de Limoges (AD 86)

Dès 1930, la crise économique sévissant en Europe mais frappant particulièrement l’Allemagne engendre le pessimisme et la défiance des Allemands envers leurs gouvernants. Adolf Hitler en profite pour exacerber leur nationalisme, déplorer l’indécision du pouvoir en place tout en flattant le peuple et rassurer les investisseurs et le monde de la finance. Malgré sa défaite aux élections de 1931, son image devient cependant populaire. En 1933, Paul Hindenburg le nomme chancelier. Cette nomination lui permet d’installer son idéologie nazie et d’éliminer quiconque s’oppose à son pouvoir ainsi que les juifs considérés comme race inférieure et nuisible. Le camp de concentration de Dachau est alors destiné aux Allemands eux-mêmes qui en sont les premiers occupants. Cette persécution entraînera une migration massive vers la France de 25 OOO Allemands dont deux tiers de juifs, ce qui commence à préoccuper le gouvernement français.

A partir de 1936 la guerre d’Espagne entre Républicains et franquistes provoque l’immigration de 400 000 Espagnols vers la France.

Élu président du Conseil en 1937, Camille Chautemps fera adopter en juin de la même année une première loi des quotas limitant à 10% les étrangers dans les entreprises privées et 5% dans les entreprises publiques.

Édouard Daladier lui succède en 1938 et ses décrets-lois du 12 novembre 1938 prévoient l’internement administratif des « étrangers indésirables », c’est-à-dire susceptibles de troubler l’ordre public et la sécurité nationale.

Le ministre de l’intérieur Albert Sarrault veut accélérer la multiplication de ces camps de concentration (in p 141).

La création d’un camp est donc prévue à Poitiers en 1939. L’administration de Poitiers cherche un endroit extérieur à la ville. À l’est de Poitiers, la dernière maison située sur la route de Limoges est celle du garage Cheminade. Elle fait face au stade dont le vélodrome en bois (photos 1 et 2) est actif dans les années 1935. En effet, ce vélodrome est inauguré le 3 juillet 1932. Sa dernière utilisation date du 18 juin 1937. Aux alentours, comme le montre la vue aérienne, ne s’étendent que des champs qui bordent l’axe routier vers Limoges. Un terrain de 2 ha 44, le « Fief du pied de Marc », est donc réquisitionné. Une quinzaine de baraquements de type Adrian y sera implantée.

La nature argileuse du terrain, qui ne sera jamais stabilisé, en fait, l’hiver, un véritable cloaque dans lequel pataugent les détenus. Les baraquements très vétustes aux fenêtres en vitrex laissent passer le vent. La pluie qui suinte accentue l’humidité et le froid dont souffrent les détenus. L’absence de véritable infirmerie, prévue, mais jamais réalisée malgré les inspections, la malnutrition récurrente et les mauvais traitements infligés par les gardiens français rendent les conditions de vie inhumaine en regard du camp de Rouillé, par exemple, dont les détenus résistent par l’organisation d’une chorale et une initiation au théâtre.

Ce camp de la route de Limoges prendra plusieurs appellations.

(in p12)  En 1939, « Centre d’internement pour les réfugiés espagnols ». Il devient « camp de concentration des nomades » en 1941. À partir du second trimestre 1941, il est renommé « camp de concentration des nomades et des Israélites». Au début de 1944, il se transforme en « centre de séjour surveillé.»