Des enfants juifs déportés à partir de Poitiers

La barbare répression dont a fait preuve l’Allemagne nazie aboutira de novembre 1945 à octobre 1946 au procès de Nuremberg où sera évoquée, pour la première fois, la notion de crime de guerre contre l’humanité.

Dès 1933 les Nazis décident des premières lois antisémites.
Le 23 novembre 1939 concrétise la discrimination raciale des Juifs par le port obligatoire de l’étoile jaune.
En juillet 1941 Goering ordonne à Heydrich d’élaborer un rapport sur la « Solution finale ».
Le 3 septembre 1941 on procède aux essais de gaz au zyklon B à Auschwitz.
Le 5 décembre de la même année, la première extermination massive dans les camions à gaz chelmno est expérimentée.

En France, les Nazis programment la déportation des Juifs adultes. Mais le gouvernement de Vichy, sans qu’il lui en soit fait la demande, décide que les enfants doivent être aussi raflés au prétexte de ne pas les séparer de leur mère. L’initiative en est confiée à Bousquet. 11450 enfants seront en France déportés vers l’Allemagne d’après l’étude de Serge Klarsfeld.
Dans la Vienne, les fichiers sont alors activés. Les enfants sont recensés et arrêtés à leur domicile ou dans leur école sur ordre du préfet Bourgain. Malgré une chaîne clandestine de solidarité qui va permettre de soustraire 150 enfants dans le Poitou, 502 enfants juifs dont une douzaine de bébés (Lévy Paul, 1995) sont déportés à partir du camp de la route de Limoges à Poitiers dans les différents convois.
Celui qui comprend le plus d’enfants, 146 enfants et adolescents de moins de 18 ans, dont 35 tout-petits de moins de 5 ans, part le 15 octobre 1942. Même les enfants orphelins libérés du camp et placés dans les Maisons de l’Union générale des Israélites de France (UGIF) en région parisienne n’ont pas tous échappé aux quotas exigés par les Nazis. C’est le cas des six petits Mosellans Holtz réfugiés en Poitou et déportés à Auschwitz-Birkenau le 31 Juillet 1944 après la déportation de leurs parents en 1942.
A Poitiers 53 enfants seront arrêtés et déportés parfois arrachés sur leur lieu d’étude telles ces élèves du lycée Victor Hugo. Mais la « carte interactive » (réalisée par Jean-Luc Pinol, historien, à partir des données collectées depuis des années par Serge Klarsfeld) nous apprend que nombre d’enfants ont également été arrêtés dans les communes rurales de la Vienne (données reportées dans le tableau en fichier joint).

Commence alors pour eux le parcours de l’horreur. Coups violents frappés à leur porte dès potron-minet, incompréhension de l’enfant apeuré par une telle brutalité et la panique qui le fait se cramponner à sa mère, entassement dans les autocars ou les camions qui les mènent à un point de ralliement et l’acheminement vers un camp de concentration.

Félicia Barbanel se retrouve au camp de la route de Limoges, à Poitiers ainsi que Francine Christophe qui écrit : « Poitiers. Mon premier camp. Séparé en deux parties par des barbelés, on y trouve d’un côté les bohémiens que l’on traque autant que nous, de l’autre les juifs. Nous dormons dans des baraquements infestés de rats sur de la paille à même le sol. Une nuit un rat me passe sur la figure. Un midi, en plongeant la louche dans le bouthéon de soupe, quelqu’un en retire un autre. Le camp grouille de monde, et les waters de vers blancs. Les waters quelques cabines côte à côte dont les parois, les plafonds même disparaissent sous ces bestioles. On les repousse du pied avant de se soulager pour ne pas entendre la bouillie qu’ils font sous la semelle. » (Christophe Francine, 1996)

Puis c’est le départ vers un deuxième camp de triage, Drancy cette fois et l’indicible déchirement de la séparation avant le départ vers les camps de la mort, que certains d’ailleurs n’atteindront pas, mourant de chaleur et de soif, dans la puanteur des wagons à bestiaux. L’arrivée à Auschwitz marque la dernière étape de la « solution finale ». Ces petits corps vacillants sont dirigés par les SS vers les chambres à gaz pour disparaître à jamais dans les fours crématoires. Peut-on imaginer fin plus horrible pour des enfants ?

Rédigé par Louis-Charles Morillon