La défense passive

En empruntant la rue Charles Dubois à Montmorillon les maisons sises aux numéros 10 et 24 portent d’insolites inscriptions, délavées par le temps, qui attirent cependant l’attention.
DP abri N° 46, 20 personnes et DP abri N° 47, 25 personnes.
Pendant la deuxième guerre mondiale, les caves de ces maisons avaient été recensées par la Défense Passive, ce qui explique les initiales DP, afin d’accueillir les habitants du quartier pour les protéger d’éventuels bombardements aériens .

Abri à Montmorillon n° 46

C’est à la veille du conflit prévisible de la 2ème Guerre mondiale que les préfets, en 1938, adressent aux maires des communes de plus de 2000 habitants les directives à appliquer.
Les nouvelles technologies et notamment l’essor de l’aviation font craindre en effet une menace pour les populations civiles. Ces communes devront donc assurer la protection de leur population. Pour cela il faut recruter les volontaires hommes, femmes et mineurs ayant l’autorisation parentale (il faut rappeler qu’à cette époque la majorité est à 21 ans). Ainsi s’organise la défense passive.

Les autorités s’entourent alors des responsables des services des ponts et chaussées, des services sanitaires et des pompiers pour établir un plan de secours et mailler les villes en secteurs et îlots. Les bénévoles recensés sont encadrés par les chefs de secteurs, d’îlots et d’immeubles. Tous sont dotés d’un brassard DP défense passive, d’un masque à gaz et d’un casque de l’armée française. Dès que les sirènes retentissent annonçant des formations aériennes les populations doivent rejoindre l’abri le plus proche et les responsables « DP » sont alors mobilisés sur leur zone.

Afin de se protéger de l’effet de souffle des bombardements, de l’écroulement des murs, ou de l’éruption de gaz en masse, les caves des agglomérations ont été contrôlées. Les murs devront avoir une épaisseur minimum de 40 centimètres. Les soupiraux seront obturés par des volets en fer en bois ou par des sacs de sable. On classera les immeubles en deux catégories ceux qui ont plus de quatre étages assurant à priori une meilleure protection des caves et ceux inférieurs à quatre étages dont les caves devront recevoir une protection renforcée.
Chaque cave est dotée de pelles, pioches, échelle ou corde permettant à un être humain de se hisser hors des décombres. Une mallette de premiers secours, une provision d’eau et un tas de sable pour combattre un début d’incendie complètent cet équipement.

Durant l’occupation, aucune lumière ne doit filtrer des ouvertures après le couvre-feu afin de ne pas servir de repère aux avions. Les fenêtres doivent être occultées par d’épais rideaux ou par des panneaux de papier noir. Les phares des rares autos qui circulent avec un ausweis (laisser-passer) doivent également être occultés. Mais au fil des mois les habitants, par laxisme, n’appliquent que négligemment ces consignes. Il faut noter que les volontaires de la défense passive ont des motivations bien différentes qui marquent d’ailleurs le clivage des Français de cette époque. Les uns, admirateurs de Philippe Pétain et adeptes de l’armée d’armistice, appliquent les consignes du couvre–feu avec rigueur. D’autres, membres parfois de la résistance, tirent profit de leur liberté de circulation durant le couvre-feu. Aussi en 1943 la wehrmacht chargée de la luftschutz, la défense passive, réagit et s’implique davantage dans les contrôles.
Des patrouilles de soldats allemands interviennent en frappant violemment aux portes des maisons laissant filtrer le moindre rai de lumière et menacent leurs occupants de convocations à la kommandantur ( bâtiment de l’administration militaire allemande).
A Poitiers la kommandantur 677 est implantée rue Boncenne.

Toutefois la défense passive est bien présente dans les bombardements et montre son efficacité tant dans les secours aux blessés que dans le déblaiement des rues comme en témoigne monsieur Julien Bourdonneau membre de la défense passive lors du bombardement de Poitiers le 13 juin 1944. Ce bombardement aurait fait 173 morts et 239 blessés.

Les victimes civiles des bombardements de 1940 à 1945 :

Ce bilan, non encore arrêté en 2013, de 70 000 Français morts sous les bombes alliées, d’après Jean-Claude Valla, montre que les craintes des autorités en 1938 étaient fondées et, sans la Croix Rouge et la défense passive il aurait été bien plus lourd.

Rédigé par Louis-Charles Morillon

Sources :

Article de monsieur Julien Bourdonneau
Le bombardement de Royan.
Recherches internet.
« La France sous les bombes américaines 1942/45 » de Jean-Claude Valla.
Souvenirs d’enfance (j’avais neuf ans).

Iconographie collection privée : Louis-Charles Morillon.