Le groupe Richelieu de Saint-Jean-de-Sauves

L’histoire des mouvements de résistance dans le Loudunais est méconnue. On la résume en général au seul maquis de Scévolles d’août 1944. Les choses ne sont pas aussi simples. Un seul bref exemple : L’action des docteurs André Colas et André Chauvenet qui, dès 1940, font, avec leurs moyens d’alors, actes de résistance reconnus et efficaces. André Colas sera encore présent à la libération de Loudun quatre ans plus tard. André Chauvenet ne reviendra du camp de concentration de Radeberg qu’en 1945. Nous présentons deux mouvements sont nés dans deux bourgs distants d’une douzaine de kilomètres : Monts-sur-Guesnes et Saint-Jean-de-Sauves. Chronologiquement il est préférable de découvrir le texte sur les Indépendants de Scévolles avant celui-ci.

Pour retrouver trace de ce groupe, il faut se rapporter à un rapport destiné « aux commandants Noël et Christian »[1].

La première page de ce rapport dit : « Forces Françaises de l’Intérieur   –    Front National  FTPF   –   Activité du groupe  Richelieu sous le commandement de Valmy     –     Fait à Saint Jean de Sauves (Vienne) le 20 septembre 1944 par Richelieu »[2]. La signature est celle de Léger, alias Richelieu, qui se dit le chef civil ; Muselet, dit Valmy, est présenté comme le chef militaire.

Roger Léger, réfugié d’Ottange, arrive à Saint-Jean-de-Sauves en 1941. Il a alors 20 ans et il est géomètre. Selon un document daté du 23 octobre 1941, il est surveillant de chantier à Monts-sur-Guesnes après avoir travaillé chez un boucher de Sauves[3]. Il exerce ensuite son métier de géomètre.

René Muselet est un prisonnier libéré en 1943 dans le cadre de la Relève. Il a rejoint sa femme et ses deux enfants réfugiés au hameau de Billy, entre Saint-Jean-de-Sauves et Chouppes.

            Selon le rapport, la cristallisation de la formation d’un groupe résistant à Saint-Jean-de-Sauves remonte à une conversation qui se déroula le 4 mai 1944 entre Léger et Muselet. Le 18 juin, le groupe comporte 10 hommes ; le 21, ils sont 17. Quatre sont nommés chefs de groupe. Le 22, « la gendarmerie (…) se déclare prête à seconder le mouvement à la dernière heure ». Début juillet, Muselet et Léger rencontrent « un inter camp venu de Nantes » à Dandesigny à la ferme Bouet. Il s’agit certainement de Sidou, alias Antoine[4]. A partir du 8 juillet, des contacts sont pris avec les groupes de Brie et Oiron (Deux-Sèvres) puis Lencloître. Un parachutage d’armes est annoncé pour Lencloître et Saint-Christophe dans la nuit du 14 au 15 juillet. Huit hommes du groupe y participent. Nous avons vu dans le texte sur les Indépendants de Scévolles que Bouet et Prinet faisaient partie de l’expédition. Deux tonnes d’armes sont rapportées à Dandesigny et quelques échanges effectués avec Saint-Christophe.

            Le 24 juillet, un parachutage est préparé dans les marais de Brie. Le 26, des contacts sont pris avec Vouzailles, puis le 28 avec Moncontour. Le 30, la gendarmerie et le chef du dépôt de la gare de Loudun se disent prêts à seconder. Le 11 août, « le lieutenant Henri et le sous-lieutenant René dit le rouquin viennent s’établir dans la ferme de monsieur Bouet à Dandesigny ». Il s’agit du groupe de Champigny-sur-Veude (Indre-et-Loire) évoqué dans la présentation des Indépendants de Scévolles. Devant la masse d’armes apportées d’Indre-et-Loire, le groupe Richelieu, méfiant, décide de rapatrier ses propres armes à Billy le 13. Des voitures sont ensuite réquisitionnées pour permettre la formation de « deux groupes mobiles qui resteraient en liaison avec le maquis de Scévolles ». C’est un de ces groupes mobiles qui se rend le 15 août à Ploube, commune de Coussay, sur les lieux du mitraillage de deux camions par l’aviation alliée, mitraillage qui coûte la vie à quatre hommes du maquis de Scévolles, dont René Mabileau. Les blessés sont ramenés à Saint-Jean-de-Sauves puis hospitalisés à Loudun. Le 16 août, un accrochage a lieu avec des Allemands de passage sur la route nationale 147 à proximité de Dandesigny. Un autre maquisard est tué.

            Dans un rapport du 17 août, Léger écrit : « Dès l’arrivée du maquis de Scévolles, une grande majorité de notre groupe FN s’est joint à eux ». Puis la mésentente s’installe entre Léger et Muselet entre autres. Léger, se sentant physiquement menacé, tente sans succès de rejoindre les Américains à Saumur puis le maquis de Chauvigny avant de se diriger vers les Deux-Sèvres et les maquis de Secondigny et Niort. Il dit participer à la libération de Niort avant de revenir à Saint-Jean-de-Sauves le 12 septembre.

            Ce récit, rocambolesque dans sa partie finale, se prolonge par un échange de courriers haineux et très accusatoires de Léger à l’encontre de Muselet datés des 19 septembre et 14 octobre[5].  Dans le dernier, sur papier à en-tête (René Muselet Géomètre Route de Mirebeau Saint-Jean-de-Sauves Vienne) adressé au commandant Noël à Poitiers, il rapporte ce que Muselet lui aurait dit le 11: « Je n’ai pas peur de Noël et Christian. (…) Je ne me gênerais pas d’aller trouver de Gaulle et lui dire ce qui se passe à Poitiers. Je sais très bien ce que fait (sic) Noël et Christian ; ils prennent l’apéritif au Jet d’Eau … ». Ambiance.

            Les membres du groupe Richelieu qui ont quitté Saint-Jean-de-Sauves pour rejoindre la forêt de Scévolles avec René Mabileau et ses hommes forment un sous-groupe de quatorze (le 24 août) dirigé par René Faulcon[6]. Mais ceci est une autre histoire, celle du maquis de Scévolles.

 Le 17 mai 2019

Jacques Albert, Jacques Pirondeau


[1] – Christian est  présenté dans le texte sur les Indépendants de Scévolles.

Noël, pseudo de Gabriel Thiant. Fin juin, Ledou, alias Antoine, lui confie l’organisation et le commandement du groupe F.T.P. de la Vienne Occupée. Il entre le premier dans Poitiers le 5 septembre.  In « Combats sans gloire »  Commandant Noël, Les Éditions du Bastion 2002.

[2] – ADV – Fonds Picard 12 J 24.

[3] – ADV – Série 22 W 538.

[4] – Cf texte Indépendants de Scévolles.

[5] – ADV – Série 12 J 24.

[6] – Carnet de bord de René Faulcon, Centre Régional Résistance et Liberté, Thouars (Deux-Sèvres).