Geneviève Pauquet – Auschwitz matricule 31794, une des deux survivantes des 230 femmes résistantes du convoi du 24 janvier 1943

Geneviève Pauquet, est née en 1922 en Pologne. Elle arrive avec ses parents ouvriers agricoles en 1927 dans la région parisienne.
En 1942, elle travaille dans une petite entreprise de postes radio à Paris. Son patron qui répare des postes émetteurs pour la Résistance est dénoncé. Elle-même, qui les livrent, est arrêtée par la Gestapo le 7 novembre 1942.
Depuis 2000, elle réside à Poitiers.

Geneviève Pauquet et son fils Claude(2015)

A 92 ans, cette Poitevine d’adoption est toujours restée discrète sur son parcours. Le 70 e anniversaire de la libération des camps l’a incitée à témoigner.

 La semaine passée, on pouvait difficilement passer à côté des programmes télévisés consacrés au 70e anniversaire de la libération du plus grand camp d’extermination nazi, Auschwitz-Birkenau.
A 92 ans, dans son joli pavillon poitevin, Geneviève Pauquet le dit de sa voix douce : « Je n’ai pas beaucoup regardé, je ne peux pas voir ça… » Il y a une quinzaine d’années, elle est venue habiter Poitiers avec son mari, ancien taxi parisien, pour se rapprocher de leur fils Claude. Geneviève Pauquet est aujourd’hui l’un des deux derniers témoins des « 230 », ces femmes françaises déportées-résistantes à Auschwitz. Parties de Compiègne dans le convoi du 24 janvier 1943, seules 49 reviendront après 27 mois de captivité. Arrivée en France avec ses parents venus y chercher du travail en 1927, elle travaille à Paris au magasin « Mondial radio » lors de son arrestation. Geneviève Pakula a tout juste 20 ans.
 » Il faut que je me fasse connaître « 
Dans les années 1960 à Villiers-le-Bel où réside la famille Pauquet, Claude se souvient très bien de ces repas de famille du dimanche qui se prolongent souvent par les longues évocations de la déportation de sa mère. « Mamouche » comme il l’appelle. « C’est la façon affectueuse de dire maman en polonais », sourit Geneviève.
Très discrète sur le sujet, l’évocation de cette période lui est toujours très douloureuse et Geneviève ne pourra pas retourner à Auschwitz avant 1987. « On a fait un voyage en Pologne avec mon mari et mon fils et on a visité le camp. C’était au printemps et Claude a fait un portrait de moi où je suis à Birkenau devant « mon » bloc 26, là où j’ai tant souffert. Quand j’ai vu ensuite cette photographie en « touriste », cela m’a libérée de tout. C’était terminé! » C’est du moins ce que Geneviève Pauquet a voulu croire un temps avant de s’apercevoir qu’elle ne pourrait jamais vraiment se débarrasser d’un tel cauchemar. Son émotion déborde instantanément lorsqu’elle l’évoque aujourd’hui. Ce retour à Birkenau, Geneviève Pauquet le raconte au cœur d’un entretien très émouvant sur l’ensemble de son parcours publié en post-face de « Convoi vers l’est et retour », recueil photographique signé Claude Pauquet, publié en 2003 après qu’il ait repris le train en 1997 sur les traces de la déportation de sa mère. De Compiègne à Auschwitz-Birkenau en Pologne, puis à Ravenbrück (Allemagne) et Mauthausen (Autriche). Mêmes dates, même neige.
« Plus rien à voir avec une femme ».
Geneviève n’a rencontré de jeunes scolaires qu’à une seule occasion lors de toutes ces années car l’exercice lui a toujours été trop douloureux. Mais en écho aux cérémonies, elle a ressenti une envie de dire et l’a exprimé auprès de son fils : « Il faut que je me fasse connaître».
Se faire connaître pour dire qu’on oublie jamais l’horreur. Avec quelques mots simples et justes recueillis vendredi dernier au moment où un petit rayon de soleil osait s’inviter dans la quiétude du salon. « On nous rasait, on était tatouée, ça n’avait plus rien à voir avec une femme… j’étais toute gamine… Un jour je me trouvais tout à côté d’une chambre à gaz, j’ai eu peur, je me suis demandé s’ils n’avaient pas changé d’avis… » Claude Pauquet précise : « On nous a toujours dit que leurs numéros les ont protégées, elles étaient enregistrées pour travailler. »
 « Ravenbrück m’a paru bien moins pénible, glisse Geneviève pour conclure. Mais quand j’ai dit ça là-bas, on m’en a beaucoup voulu car ils ne pouvaient imaginer de situations plus dures que celle qu’ils vivaient. »

Parcours :
Geneviève Pakula est née en 1922 en Pologne. Elle arrive dans la région parisienne avec ses parents ouvriers agricoles en 1927.
 En 1942. Elle travaille dans une petite entreprise de construction de postes de radio à Paris. Son patron qui répare des postes émetteurs pour la Résistance est dénoncé. Elle-même, qui les livre, est arrêtée par la Gestapo le 7 novembre 1942.

 Déportation:

Elle part de Compiègne le 24 janvier 1943 dans le seul convoi de femmes françaises déportées-résistantes à Auschwitz en Pologne. Matricule 31794. Parmi les 230 femmes se trouve l’écrivaine Charlotte Delbo.
D’Auschwitz- Birkenau où elle reste 18 mois, à Ravensbrück près de Berlin et Mauthausen en Autriche, sa déportation dure près de deux ans et demi.
Libérée le 22 avril 1945, elle se marie en 1946. Elle donne naissance à deux enfants, une fille et un fils. Elle reprend alors le travail et devient confectionneuse à domicile.
Titulaire de la Légion d’honneur, elle réside avec son mari à Poitiers depuis 2000.

 Dominique Bordier

La Nouvelle République (2-2015)