Après la réquisition de la « Manu », la collaboration.

Dans l’usine occupée, la collaboration industrielle avec l’Allemagne impose une réorganisation de la production et des conditions de travail qui placent le personnel sous tension.

Ingénieur allemand (coll. Arambourou)

Après la réquisition de la Manu, la collaboration

Dans l’usine occupée, la collaboration industrielle avec l’Allemagne impose une réorganisation de la production et des conditions de travail qui placent le personnel sous tension.

Les autorités d’occupation ont immédiatement exploité les atouts de la manufacture. L’atelier central de précision est jugé performant, en mesure de répondre à la demande allemande et de se plier aux méthodes de l’industrie privée chères au directeur allemand qui entretient des liens avec son ancienne entreprise de Lübeck. La Manu fabrique des pièces détachées pour des armes assemblées en Allemagne : coins de culasse de canons, carters et canons de mitrailleuses… Mais de plus en plus vigilants sur le contrôle des pièces, à partir du 10 novembre 1941, les Allemands font fabriquer leurs propres vérificateurs. Ils exigent d’importer l’acier rapide d’Allemagne. La production effectuée pour le compte de l’armée d’occupation ne cesse d’augmenter : elle triple de février à juin 1942. En juin 1944, 4000 blocs de culasse sortent de l’usine. La Manu tourne à plein régime avec un effectif qui atteint le pic de 3700 en décembre 1943. La direction allemande rationalise la production, l’organisation des locaux ainsi que la gestion et la formation du personnel. Elle exploite les ressources de l’école d’apprentissage ; en 1942, 300 ouvriers suivent des cours allemands de rééducation professionnelle et une heure hebdomadaire d’allemand.
Le directeur français se félicite de l’évolution des relations économiques entre la France et l’Allemagne. À l’occasion des vœux pour 1943, il appelle le personnel à se dévouer en faveur de « l’œuvre de redressement national et de travail en commun avec les autorités allemandes [dont il loue] l’esprit de compréhension et de camaraderie. » Les cadres sont conditionnés, un temps consignés sous garde allemande avec leurs familles au château de Naintré et révocables en cas de rendement insuffisant.
La collaboration industrielle induit un nouvel ordre social. La durée du travail passe à 58 heures par semaine six jours sur sept et les jours fériés. A partir du 25 mars 1942, la demi-heure de casse-croûte n’est plus payée et le travail de nuit se généralise. Le personnel souffre des cadences infernales, particulièrement les femmes. Les congés de maladie sont de plus en plus soumis à l’avis du médecin militaire allemand. La pression s’exerce également sur les rémunérations payées en majorité à la pièce afin d’augmenter la productivité. En cas d’attitude déplacée à l’encontre des occupants ou en cas de « relâchement », les sanctions s’échelonnent de la mise à pied temporaire à la mutation et au relèvement de fonctions.
Les mesures de réquisitions de main d’œuvre alourdissent le joug qui pèse sur le personnel.

Marie-Claude Albert