Châtellerault sous l’Occupation

ALBERT Marie-Claude, Châtellerault sous l’Occupation, La Crèche, Geste éditions/témoignages, 2005, 358 p.

Dédié aux Châtelleraudaises et Châtelleraudais qui ont mis leur vie au service de la liberté durant la seconde guerre mondiale, cet ouvrage est le fruit de sept années de recherches historiques sur archives, de nombreux témoignages et de travaux pédagogiques réalisés par des collégiens et lycéens de la ville.

L’auteur, professeur d’histoire-géographie au Lycée Marcelin Berthelot de Châtellerault, a rassemblé autour d’elle une équipe de dix contributeurs(archiviste municipal, professeurs d’histoire, photographe, collectionneurs…). Elle a également reçu le soutien de la municipalité de Châtellerault et de multiples associations locales à but mémoriel, culturel et social. Elle a tenu, par cet ouvrage, à privilégier les derniers moments de dialogue entre ceux qui font l’Histoire et ceux qui tentent de l’écrire.

Les illustrations sont issues des collections du Musée Sully, ancien musée municipal, des archives municipales (dont le fonds Arambourou déposé par lM. Chêne, photographe), des archives du Centre de l’Armement ainsi que de collections particulières.

L’intérêt historique de Châtellerault réside dans la triple spécificité de la ville à cette époque : une manufacture d’armes entièrement réquisitionnée par les Allemands, la ligne de démarcation à 15 km, une résistance précoce et sévèrement réprimée.

L’ouvrage entremêle récits et analyses historiques au fil de ses trois parties :
– la Ville mobilisée et occupée.
– un pôle de résistances.
– mémoires de la Ville libérée.

La première partie montre comment les Châtelleraudais ont perçu l’arrivée des troupes d’Occupation le 23 juin 1940, les réquisitions, les contraintes quotidiennes, la proximité de la ligne de démarcation. Elle met en évidence l’impact de la propagande pétainiste à la mairie, dans les stades, les écoles, les cinémas. Le contrôle et l’exclusion des étrangers, des Tziganes et des Francs-maçons, des Juifs, font l’objet d’une analyse très détaillée de même que la collaboration industrielle à la manufacture.

Centrée sur les acteurs, la seconde partie analyse les diverses composantes de la résistance Châtelleraudaise à partir de parcours individuels. Se dessinent au fil des pages le précoce engagement de jeunes ouvrières et de jeunes communistes syndicalistes dès l’automne 1940, l’action méconnue des scouts et jocistes, les liens secrets avec la Résistance parisienne, la force d’attraction de Londres et de la France Libre, le déclic du STO. Autant de preuves de l’intérêt stratégique de cette ville-seuil pour les réseaux et mouvements de Résistance. La répression n’en fut que plus féroce : un lourd bilan, des vies perdues, des vies brisées, des victimes de la torture pratiquée à la Prison de la Pierre Levée, passage obligé de tous les Châtelleraudais arrêtés. Le terrible destin de 76 déportés, de 50 internés, de 19 fusillés tombe comme un verdict.

La dernière partie, plus brève, mène une approche plurielle de la Libération de la ville du 4 au 7 septembre 1944. Plus que les faits eux-mêmes, c’est à la confrontation des diverses versions que l’auteur s’est intéressée. Elle a également tenu à montrer le double visage de cette Libération, ce que l’historien Philippe Buton qualifie de « joie douloureuse » : d’un coté les aspects festifs, de l’autre, l’interminable attente d’un être cher, le poids de l’absence de ceux qui ne reviendront pas, les retours échelonnés. L’ouvrage se termine en évoquant la manière dont les Châtelleraudais ont commémoré et commémorent aujourd’hui les évènements et les lieux de mémoire qu’ils ont construits au fil du temps.

En exergue, trois poèmes exceptionnels de résistants, offerts à la postérité, des paroles qui portent l’essentiel :
 » Il faut que les jeunes sachent ce que furent les camps nazis. Il faut qu’ils comprennent que la haine raciste ne connaît pas de limite dans l’horreur, que nos différences constituent une richesse et que le monde a besoin de couleurs. « 
Extrait des Mémoires de Léone Jamain, » J’avais dix neuf ans », écrites en 1993. Léone était ouvrière à la Manufacture d’Armes de Châtellerault, résistante de la première heure dans l’organisation spéciale des F.T.P, arrêtée en février 1943 puis déportée au camp de Ravensbrück.

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