Les Tribunaux d’Exception

La section spéciale. La section spéciale dans la Vienne. Les méthodes des sections spéciales.

Elle siégeait à la Cour d’appel du Palais de Justice de Poitiers

Les tribunaux d’exception

La section spéciale

Dès la première année,Vichy utilise des tribunaux correctionnels pour instituer des tribunaux d’exception à vocation d’exemplarité , telle la Cour Gannat, pour juger les Français Libres.
Le 21 août 1941, peu de temps après l’invasion de l’URSS, le premier attentat perpétré au métro Barbès par Pierre Georges qui deviendra le colonel Fabien et Gilbert Brustein à l’encontre de l’aspirant de la Kriegsmarine Alfons Moser, ébranle les Français. N’ayant pu capturer les auteurs de cet attentat les Allemands raflent des otages et exigent que six communistes incarcérés soient fusillés.Vichy décide alors la création de tribunaux d’exception dans un esprit avéré de collaboration judiciaire avec l’occupant . Le garde des Sceaux Joseph Barthélémy est réticent. Mais en tant que ministre de la Justice, il doit se charger du dossier. Il va falloir constituer un tribunal, la Section Spéciale et trouver des magistrats qui accepteront de condamner à mort, sur ordre, d’après une loi rétroactive absolument contraire à l’éthique du Droit en France. Le ministre de l’Intérieur , Pierre Pucheu, avec l’accord de Pétain fait publier une première loi au Journal Officiel le 23 août 1941. Les communistes sont les premiers concernés mais bientôt le champ d’activité des Sections Spéciales s’élargit à tous les « actes terroristes ». L’attitude des magistrats sous Vichy semble peu favorable à la « Révolution Nationale », s’acharnant à réprimer « L’Anti-France »(c’est-à-dire les résistants à cette époque). Ils ont été contraints de prêter fidélité à Pétain sous peine de révocation immédiate, mais ils craignent des représailles de la Résistance. Cela étant, nombreux sont ceux qui cautionnent les juridictions d’exception, tentant de concilier l’exercice de leur profession avec l’expression d’une réserve à l’égard de l’évolution de Vichy. La magistrature applique donc scrupuleusement le droit sans conflits de devoir. Ces « Sections Spéciales » animées par des magistrats acquis ou non à la « cause de Vichy » permettent ainsi à l’occupant de puiser continuellement dans les détenus arrêtés en vertu des lois françaises, pour alimenter les exécutions d’otages ou les convois de déportation.

Sources : La Justice des années sombres 1940.1944 . Chapitre Section Spéciale Bellemare archives de la Vienne. Journal « Dépêche du Centre »

La Section Spéciale dans la Vienne

Elle siégeait à la Cour d’appel du Palais de Justice de Poitiers alors en zone occupée. Son rôle était de réprimer, entre autres, les actes de résistance comme le rappelle cet arrêt du 24 août 1943 extrait des minutes du greffe de la Cour d’appel de Poitiers.
« …les lois des 14 août 1943 et 5 juin 1943 réprimant l’activité communiste et anarchiste… » la Section Spéciale a rendu l’arrêt suivant :

Le ministère public près cette section en la personne de Monsieur de Robert avocat général près la Cour d’appel de Poitiers déclare : MORILLON Maurice, BRICHET Paulette, BRIAULT Louis, DEPUTIER Marie-Claire, BERNUCHON Maria dite Maria RABATE coupables de s’être dans le département de la Vienne en 1941, 1942, 1943 livrés à une activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre émanant ou relevant de la 3eme internationale communiste, agissements ayant pour but de favoriser le communisme et provoquer un état de rébellion légalement établi .
Cinq des personnes concernées à cette audience appartenaient en fait à des réseaux de résistance communiste et furent condamnées de 1 an à 5 ans « d’emprisonnement ».
Siégeaient ce 24 août 1943, le Président Chayron, Président de Chambre et les membres suivants : messieurs Viault et Blanchard conseillers, monsieur Caillon juge au tribunal civil de première instance de Poitiers désignés par ordonnance de monsieur le Président de la Cour d’appel (mandat du 18 août 1943) en présence de monsieur de Robert avocat général désigné par arrêté du procureur général de Poitiers en date du 29 octobre 1941. Assistait monsieur Tourte greffier à la Cour.

Les méthodes des Sections Spéciales

1- Crédibiliser les procédures en s’appuyant sur une façade légale, un ministère public mais aussi des avocats « dits » de la défense comme Maître Masteau qui devint Maire de Poitiers ou maître Mabille de Poncheville .

2- Manipuler les chefs d’accusation envers l’opinion en démontrant que les résistants communistes ou gaullistes n’étaient que des membres de « l’Anti-France » traîtres à leur Patrie.

3- Banaliser les sentences par des peines « d’emprisonnement » communes au « droit commun » afin de mieux dissimuler les condamnations pour faits de résistance dont les auteurs étaient tous voués à la déportation.

4- Appliquer l’exemplarité. Les extraits de jugement étaient publiés dans les journaux de l’époque Centre et Ouest ou La Dépêche du Centre et affichés sur les murs du domicile des condamnés.

La Section Spéciale de Poitiers

Elle siégeait à la Cour d’appel du Palais de Justice de Poitiers

Elle condamna le 24 août 1943 MORILLON Maurice, BRICHET Paulette, BRIAULT Louis, BERNUCHON Maria en fuite à un an d’emprisonnement par défauf. Maurice MORILLON rejoignit les FFI à La Ferté Macé dans l’Orne. Louis BRIAULT rejoignit les FTP à Montmorillon. Quant à son épouse, Marie-Claire Briault D.M (Députier Marie –Claire de son nom de jeune fille), elle fut déportée le 29 août 1943 à Ravensbrück.Transférée le 4 octobre 1943 au camp de Nenbrandenburg elle fut libérée par la Croix Rouge suédoise le 28 avril 1945.

L’article de « La Dépêche du Centre » du lundi 20 mars 1944 nous apprend que Paul Denis et Jacques Crochu ont été condamnés par la Section Spéciale à 1 an et 3 ans d’emprisonnement pour « activités communistes et soustraction d’organes à des machines agricoles ». Ils avaient en fait suivi le mot d’ordre de la Résistance… « Pas un grain de blé français pour les troupes nazies. ». Ils ont été déportés à Auschwitz puis transférés à Buchenwald où ils ont été libérés en 1945 par les alliés ;

Texte du serment prêté par les magistrats à partir du 14 août 1941 :

« Je jure fidélité à la personne du chef de l’Etat. Je jure et je promets de bien et honnêtement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Article rédigé par Louis-Charles Morillon d’après sa documentation personnelle.