Les Résistants de la Vienne fusillés au Mont Valérien – Suresnes (92)

Au Mont-Valérien, décrété depuis 1960 « Mémorial de la France combattante », plus de mille résistants français et étrangers ont été exécutés par l’occupant nazi de 1941 à 1944.

Les 4 fusillés du Mont-Valérien

Les Résistants de la Vienne fusillés au Mont-Valérien (92) Suresnes

Après la victoire militaire allemande en juin 1940, Hitler choisit de traiter avec un gouvernement français plutôt que d’imposer lui-même directement sa domination. Le Maréchal Pétain et son gouvernement offrent ainsi au Führer cette opportunité qui garantit une occupation paisible de l’armée nazie engagée d’autre part sur ses objectifs militaires contre l’Angleterre et l’URSS.

Pétain souhaitant reconstruire une nouvelle France selon les principes de la révolution nationale et suivant les conditions de l’armistice du 22 juin 1940, accepte de collaborer avec l’occupant pour lutter contre les Français qui reprendraient le combat.

Dès l’été 1940, les nazis répriment durement les Résistants qui s’attaquent aux troupes d’occupation : 14 exécutions de juin 1940 à mai 1941. Soulignons toutefois que les Allemands préfèrent laisser à Vichy la responsabilité de la répression à la fois pour des raisons d’efficacité mais aussi pour éviter d’assumer l’impopularité de cette répression ressentie par la population.

Au cours de l’été 1941, après l’invasion allemande de l’Union Soviétique le 22 juin 1941, débute la nouvelle stratégie de lutte armée des communistes en France avec la multiplication des attentats contre l’armée allemande. L’occupant nazi, sur ordre de Hitler réagit immédiatement : des otages seront exécutés dans le but de venger les morts et d’intimider la population française. Berlin réclame l’exécution de 100 otages pour un allemand tué.

Commencent alors les massacres d’otages choisis parmi les communistes et les juifs(désignés par Hitler comme responsables du complot « judéo-communiste »). et les étrangers. Soulignons également que l’un des premiers agents secrets envoyés par de Gaulle en Bretagne pour organiser le réseau « Nemrod », Louis Honoré d’Estienne d’Orves sera fusillé au Mont-Valérien le 29 août 1941 avec trois de ses compagnons : Jan-Van Louis Doornick officier d’origine hollandaise, Maurice Barlier et Maurice Noël officiers de carrière. Suivront les exécutions d’agents des réseaux de renseignement comme Charles Deguy, Roger Pironneau, Gustave Bonhomme, Stéphane Hampel, Etienne Champion et tant d’autres qui ont payé de leur vie leur engagement pour la libération de la France et la lutte pour la liberté.

Le 22 octobre 1941, à Châteaubriant, à Nantes et à Paris, 48 otages sont fusillés. Le 24 octobre, 50 le seront à Souges près de Bordeaux, puis 95 dont 70 au Mont-Valérien à Suresnes et 25 en province.

Vichy radicalise son régime avec sa loi du « 14 août 1941 », loi antidatée qui permet de punir de façon rétroactive les communistes qui pourront de fait être jugés et fusillés pour un acte commis avant la promulgation de cette loi. Sont instituées en même temps des sections spéciales qui peuvent condamner à mort et cela sans possibilité de faire appel. Cette loi se double à la même date d’une puissante campagne de propagande du commandement militaire allemand en France qui diffuse, à grands renforts d’affiches (voir ci-contre l’affiche du 14 août 1941) des menaces de condamnation à mort à l’encontre de « toute personne qui se livre à une activité communiste » ou qui la soutient.

Vichy accepte de participer à la désignation des otages, engagement qui tient à la nature répressive du gouvernement de Pétain, à son anticommunisme et son antisémitisme.Ainsi les tribunaux allemands avec la collaboration active de Vichy et de sa police vont condamner à mort et fusiller des milliers de Résistants en France.Dans la Vienne, 128 seront exécutés à « La Butte de Biard (3) ».

Le 18 août 1940, huit syndicalistes CGT des usines Renault de Boulogne-Billancourt seront les premiers fusillés du Mont-Valérien. Jusqu’au 9 juin 1944, 1006 résistants pour la plus grande part communistes, français et étrangers, seront passés par les armes de la répression nazie(ce nombre de 1006 établi avec certitude pouvant être en dessous de la réalité, certaines sources avançant le chiffre de 4000 victimes).
Huit Résistants de la Vienne ont été fusillés au Mont-Valérien :

Le 15 décembre 1941 : Daniel PERDRIGE, 36 ans, domicilié à Châtellerault, ancien maire de Montfermeil, interné à la prison du Cherche-Midi puis d’Alincourt et au camp de Compiègne est exécuté au Mont-Valérien. Sa sœur Charlotte Perdrigé membre de l’intelligence service, arrêtée à Paris, sera déportée.

Le 21 septembre 1942 : Marcel LAVIGNE,
domicilié à Poitiers, monteur-électricien, résistant engagé dans les rangs du Front National de Libération de la France, auteur entre autres actions de l’évasion de 4 résistants détenus au camp d’internement de Rouillé, est arrêté le 25 mars 1942 de même que sa femme Louise LAVIGNE qui sera déportée et décédera à Auschwitz. Marcel Lavigne est exécuté avec 45 de ses camarades au Mont-Valérien le 21 septembre 1942. René AMAND, frère de Louise Lavigne arrêté le 23 juin 1941 sera déporté à Auschwitz le 6 juillet1942 où il décédera le 14 août 1942.

Le 6 octobre 1943, quatre étudiants de Poitiers, Jacques DELAUNAY (à droite sur la photo), Marc DELAUNAY (2ème en partant de la droite), Jacques MASSIAS (au centre) et Eloi RIECKERT(4ème en partant de la droite), tous membres du groupe FTP « Tullius » qui organisait des sabotages de voies ferrées, sont arrêtés. Condamnés par le « Tribunal d’Etat Français » à des peines de prison, les nazis considérant ce jugement laxiste les condamnent à mort. Les 4 étudiants résistants sont fusillés le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien.
J. Gautier (1er à gauche) a été relâché.

Le 21 février 1944, Spartaco Fontano est exécuté au Mont-Valérien avec 22 résistants de la M.O.I (main- d’œuvre immigrée) du groupe Manouchian(« l’Affiche Rouge »). Spartaco FONTANO était le cousin des deux frères Nerone Fontano (3) fusillé à la « Butte de Biard>>(86), et de Jacques Fontano massacré par les nazis à Vaugeton(86- Celle l’Evescault). Ils étaient d’origine italienne, nés à Trieste et antifascistes…

Le 24 mars 1944 : Paul QUILLET (alias Penot dans la Résistance), fils de commerçants de Châtellerault, réfractaire au STO (service du travail obligatoire en Allemagne), s’engage dans les FTPF de la région parisienne en août 1943. Nommé commissaire aux opérations contre l’armée nazie auxquelles il a participé avec courage, il est arrêté le 18 novembre 1943, interné à Fresnes, condamné à mort par un tribunal allemand le 16 mars 1943 et fusillé au Mont-Valérien le 24 mars 1944. Il allait avoir 22 ans.

Comme dans l’ensemble du pays, le département de la Vienne compte parmi les fusillés du Mont-Valérien des résistants français et étrangers. Ils ont péri sous le coup de ce mot terrible d’un procureur français des tribunaux spéciaux :  » Vous êtes communiste, étranger et juif, trois raisons pour que je demande la peine de mort contre vous. » Face à cette barbarie, ils sont morts debout au nom d’un idéal qui refuse la servitude.
Par décision du Général de Gaulle, le Mont-Valérien est devenu le Mémorial de la France Combattante. Ce mémorial a été inauguré le 18 juin 1960 par le président de Gaulle qui a décidé que le dernier résistant de la France Libre serait inhumé sur le lieu de cette tragédie.

Article de Jean Amand et Marie-Claude Albert

Sources :
Picard Roger, La Vienne dans la guerre, éd. Horwath, 1984
Tchakarian Arsène, Les Fusillés du Mont-Valérien, éd.Comité National du Souvenir des Fusillés du Mont-Valérien, 1993
-La vie à en mourir-Lettres de fusillés, éd. Tallandier, 2003
-Archives départementales FNDIRP-86
(1) voir les 130 fusillés de la Butte de Biard ( édition FNDIRP-86 )