Henri Rol-Tanguy

« Cet homme de coeur, d’action et de conviction mena l’insurrection parisienne en grand chef de guerre ». (Général Alain de Boissieu).

Le 14 juin 2005, en inaugurant le « parvis Henri ROL – TANGUY » dans le quartier de Bel-Air (Poitiers-ouest), la municipalité de Poitiers rendait un hommage au colonel Henri ROL – TANGUY, résistant, chef régional des FFI de l’Ile de France, dirigeant de l’insurrection et de la libération de Paris, Compagnon de la Libération, en présence de Cécile ROL – TANGUY son épouse, résistante et proche collaboratrice.
Ce même jour, Monsieur PUAUD, maire de QUINCAY, posait une plaque commémorative sur la maison des époux BERTHIER (aujourd’hui décédés) où fut hébergé Henri ROL – TANGUY pendant son séjour en Poitou.

ROL-TANGUY et son Etat Major

La jeunesse ouvrière:

Henri TANGUY est né le 12 juin 1908 à Morlaix dans le Finistère d’une mère blanchisseuse et d’un père officier de marine. L’enfance mouvementée d’un enfant de marin l’amène à quitter l’école à 13 ans .

En 1923, sa mère quitte la Bretagne pour Paris emmenant ses deux fils: Henri et Joseph et grâce à la « solidarité bretonne » trouve un logement et du travail. Elle est embauchée chez Renault Billancourt et Henri aux usines Talbot à Suresnes.

C’est donc chez Talbot qu’Henri découvre à 15 ans la métallurgie parisienne , les métallos et l’action syndicale. Il adhère à la CGTU. C’est un monde nouveau et fascinant pour lui. A cette époque les ouvriers n’hésitaient pas à changer d’emploi et il va aller d’une usine à l’autre jusqu’à Renault Billancourt où il découvre les revendications ouvrières et l’action…Il va faire la ronde des usines et en avril 1929 il est rattrapé par le service militaire.

Dès sa libération des obligations militaires il retrouve rapidement du travail et entre à la prestigieuse usine Bréguet comme chaudronnier-tôlier.

En 1934 , très sensibilisé par la montée du fascisme, il ressent la nécessité de s’engager dans la lutte politique et syndicale et s’y lance à fond .

« Marqué à l’encre rouge » il voit la porte des grandes entreprises se fermer.

Au printemps 1936, c’est le Front Populaire durant lequel il se montre particulièrement actif. Il y fait montre de qualités d’organisateur, met sur pied une section syndicale, est élu délégué d’usine, aide à l’élaboration d’un cahier de revendications…Mais une fois encore licencié, Henri TANGUY « entre » dans le syndicalisme en devenant permanent du syndicat CGT des Travailleurs de la métallurgie auprès de Jean-Pierre TIMBAUD qui sera fusillé à Châteaubriant le 22 octobre 1941. Là il va côtoyer Ambroise CROIZAT, Marcel PAUL, Léon MAUVAIS, Eugène HENAFF et bien d’autres: les grands noms de la CGT d’alors.

Les Brigades Internationales:

Chargé par le Parti Communiste d’animer la campagne de solidarité avec la jeune République Espagnole après le putsch du général FRANCO contre le « FRENTE POPULAR », c’est naturellement qu’Henri TANGUY va se porter volontaire pour partir dans les Brigades Internationales.

En février 37 il rejoint André MARTY à ALBACETE…En 1938 il devient « commissaire politique » notamment de la prestigieuse 14ème brigade qu’il va tenter de discipliner en en bannissant le laisser-aller légendaire, en faisant preuve d’autorité et en faisant respecter la discipline. Il n’hésite pas à donner de sa personne en engageant la 14ème brigade sur le front de l’Ebre . Il sera blessé au combat.

En septembre 1938 sur ordre du président du conseil espagnol Juan NEGRIN « tous les combattants non espagnols qui prennent part à la guerre d’Espagne dans les rangs non gouvernementaux  » doivent se retirer.

Après les adieux de Barcelone Henri TANGUY rentre au pays comme tous les volontaires français.

Tous les rapports concernant son action à la tête des Brigades Internationales sont élogieux et insistent sur ses qualités politiques et humaines..

En avril 1939 Henry épouse Cécile LE BIHAN qu’il connaissait depuis 1936 puisqu’elle était secrétaire à la fédération CGT des Métaux.

Le 3 septembre 1939 la Grande Bretagne et la France se déclaraient en guerre avec l’ Allemagne.

La guerre:

De septembre 39 à l’été 40 Henri Tanguy est sous les drapeaux où il se conduit « en bon soldat ». Il est affecté en Lorraine puis dans le centre de la France, à Saint- Florent sur Cher et Guéret et finalement est démobilisé à Bourganeuf. Il rentre à Paris le 19 août et retrouve ses camarades des Métaux.

Il va prendre la responsabilité des comités populaires créés à l’initiative du PCF. Dès lors tous les dirigeants syndicaux s’engagent à fond dans l’action clandestine.

En octobre 1940 la police française lance une véritable opération de chasse aux militants communistes de la région parisienne et le 5 octobre Henri TANGUY entre dans la clandestinité et participe à la mise en place de l’Organisation Spéciale (OS) embryons de groupes armés- les futurs FTP- destinés à protéger les militants qui intervenaient dans les lieux publics. Il devient ensuite responsable des GDS (Groupes de Sabotage et de Destruction). En mars 1941 il est affecté à la région P2 -l’une des neuf de l’ interrégion parisienne du PCF- sous la responsabilité de Jean LAFFITTE.

De mai à septembre 1942, les arrestations mettent en alerte permanente tous les militants clandestins. Raymond LOSSERAND et Gaston CARRE qui forment avec Henri TANGUY le premier triangle de direction des FTP sont arrêtés…Henri TANGUY échappe de peu à la police qui l’a repéré et »logé »… Il est mis en sécurité hors de Paris et « muté » en province…

La région Anjou-Poitou:

Henri TANGUY devient donc responsable du secteur ANJOU-POITOU qui comprend, en théorie, une partie de la Vienne et des Deux-Sèvres, la Vendée, le Maine et Loire, la Mayenne et la Sarthe.

En cet automne 1942 lorsqu’ Henri TANGUY débarque à Poitiers, il n’a pas de relations personnelles, ne connaît rien de cette région ni des différents groupes de résistants déjà constitués à Poitiers, Châtellerault, Neuville, Niort, Thouars , Sauzé-Vaussais etc.…Et pourtant de nombreux militants communistes ont déjà payé de leur vie leurs actes de résistance au fascisme .

Le Parti Communiste de la Vienne va lui fournir ses planques par l’intermédiaire de son réseau de militants… C’est ainsi qu’il va être mis en relation avec Marcel et Honorine COUSSON ( un couple de résistants de Quinçay qui lui trouvent un logement chez Mr et Mme BERTHIER), des retraités d’une discrétion absolue.

Il séjournera aussi à Limalonges et dans le Marais Poitevin…

Jusqu’en avril 43 Henri TANGUY sera chargé de prendre contact avec ces différents groupes de résistants déjà constitués, pour coordonner et développer leurs activités, les faire bénéficier de l’expérience acquise dans les brigades. Il va donc être en déplacements incessants en train, en autocar, en taxi, en vélo, voire à pied..

C’est ainsi qu’il est amené à se rendre à plusieurs reprises au lieu-dit La Boule de Nesdes commune de Benassay, un hameau très isolé, difficile d’accès, à la lisière des deux-Sèvres. Là un groupe de résistants FTP-MOI (Main d’Oeuvre Immigrée) a trouvé refuge dans une petite maison appartenant aux COUSSON de Quinçay et attenante à la ferme de Marcel GUIGNE ( mon père) qui va s’engager auprès d’eux…

Le « petit Marcel » (mon frère aîné), âgé de presque 16 ans, fils de Marcel GUIGNE, se souvient avoir vu ROL TANGUY-qui ne s’appelait pas encore ROL mais peut-être Théo ou encore de l’un de ses nombreux autres pseudonymes- accompagné probablement de l’un des frères DUROSIER (des communistes de Niort)…

Ce groupe de résistants, très actif se déplace souvent vers les Deux-Sèvres, organise des déraillements de train , la destruction de la station radio allemande de Saint Martin du Fouilloux, prépare des parachutages ou envisage de faire exploser l’usine chimique de Melle ….

 » Ces cousins d’Orléans », qui veulent « échapper au STO » , vivent à La Boule où il y a toujours de la soupe pour eux préparée par Henriette GUIGNE (ma mère) . Ils fabriquent des armes que Marcel cachera et la nuit partent vers leurs occupations clandestines.

En décembre 1942 Henri TANGUY échappe de peu à une arrestation en gare de Poitiers. Cependant dès le début 1943 il revient à Poitiers et Quinçay d’où il reprend ses déplacements pour nouer les contacts. Début avril 43 Cécile, son épouse et agent de liaison, est à Quinçay et lui annonce qu’il doit rejoindre au plus vite PARIS où Eugène Hénaff l’attend pour réorganiser les FTP .

Pendant ce temps, le 25 avril 1943, les gendarmes de Montreuil – Bonnin (la SAP) et des militaires allemands débarquent à La Boule après avoir arrêté et torturé l’un des membres du groupe. Ils arrêtent Marcel GUIGNE et les époux COUSSON . Ils sont emprisonnés à la Pierre Levée. Marcel GUIGNE et Marcel COUSSON seront déportés via Fresnes, Hinzert , Schweidnitz où Marcel COUSSON mourra , Gross Rosen puis Dora où Marcel GUIGNE arrivera et mourra le 1er mars 1945. Honorine COUSSON sera aussi déportée à Ravensbrück et mourra à Bergen – Belsen .

Un autre membre du groupe, Stéphane KUCKARICK, réussira à s’ enfuir. Il sera repris et fusillé à la Butte de Biard.

Deux jours après, la police revient à Benassay arrêter Julien BOUHARD le forgeron, cousin de Marcel GUIGNE, qui fabriquait les armes et qui sera lui aussi fusillé à la Butte de Biard .

Après la Libération, ROL TANGUY reviendra à Quinçay rendre visite aux époux Berthier… qui découvriront la véritable identité de leur hôte…

A Paris , en avril 1943, la première tâche d’ Henri TANGUY est de lancer l’activité d’un nouveau triangle de direction FTP avec Edouard VALLERAND et Joseph EPSTEIN (colonel Gilles) et Cécile qui joue un rôle central dans le fonctionnement du triangle. La lutte va reprendre avec les FTP et FTP-MOI (Main d’œuvre Immigrée) jusqu’à la longue traque qui permet l’arrestation de Missak MANOUCHIAN et Joseph EPSTEIN.

Henri TANGUY est alors désigné comme représentant des FTP à l’état major des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) pour la région parisienne dont il est le chef promu au grade de colonel par le général JOINVILLE. Il prend alors le pseudonyme de ROL en hommage à Théo ROL, l’un de ses camarades des brigades internationales tué en 1938..

Le 1er juin 1944 il lance son premier ordre signé « Rol » et va se consacrer à la préparation de la Libération de Paris en liaison avec le Conseil National de la Résistance et le COMAC (Comité d’Action Militaire). Puis avec les grèves déclenchées par les cheminots, les postiers, la police…il lancera – avec Maurice KRIEGEL-VALRIMONT- l’ordre d’insurrection générale à la population parisienne dans la nuit du 18 au 19 août, et le 20 août installera son PC place Denfert – Rochereau au cœur même de l’insurrection. Le 24 août la 2ème DB du général Leclerc entre dans Paris qui est libéré et ROL – TANGUY, aux côtés du général LECLERC, reçoit la reddition du général VON CHOLTITZ .

Les FFI sont dissoutes dès le 28 août et ROL va commencer une nouvelle vie d’officier dans l’état major du général KOENIG et suivre l’armée en Allemagne où il participera à la campagne Rhin et Danube.

Le 12 juin 1945, par un décret du journal officiel, le général DE GAULLE nomme le colonel ROL-TANGUY COMPAGNON de la LIBERATION.

Après des affectations à la tête de diverses unités il devint attaché au cabinet du ministre communiste de la défense François BILLOUX.. .Mais la guerre froide va commencer ses ravages et ROL – TANGUY se retrouvera (comme les autres officiers issus des FFI ) mis sur la touche au dépôt central des isolés à Versailles…

Il prendra sa retraite en 1962 et retournera à la vie militante au sein du Parti Communiste.

Il se retirera à MONTEAUX dans le Loir et Cher où il décédera le 9 septembre 2002 et y sera enterré …

Sources:

ROL – TANGUY de Roger BOURDERON aux éditions Tallandier.

Hors série de « l’Humanité » : hommages à ROL – TANGUY pour ses obsèques.

Souvenirs familiaux pour la période « Anjou-Poitou ».

Texte rédigé par Marie Thérèse AMAND née GUIGNE

et Michel AMAND