Camp de la route de Limoges : 2-l’exil des Espagnols

DE L’EXIL VERS LE CAMP DE LA ROUTE DE LIMOGES
De 1936 à 1939, la guerre civile en Espagne pousse 400 000 Espagnols à fuir leur pays vers la France.

Des réfugiés espagnols attendent la distribution de vêtements au centre d’accueil de la rue Jean Macé à Poitiers. Photo publiée dans le Journal de la Vienne et de l’Ouest, le 6 février 1936, AD86

Après la défaite des Républicains lors de la bataille de l’Ebre, cette retraite s’accentue, c’est la Retirada. Dès leur passage des Pyrénées par le col du Perthus, en février 1939, ils sont conduits dans les camps d’internement d’Argeles ou Barcarès vite submergés. Auparavant, sous le Front populaire, un « comité international de coordination et d’information pour l’aide à l’Espagne républicaine » a été créé dès 1937  par Victor Basch, Président de la Ligue des droits de l’homme et Paul Langevin, professeur au collège de France. Son rôle est de trouver logements et travail aux réfugiés espagnols. Les enfants sont accueillis dans des colonies de vacances. Mais l’afflux continuel des étrangers divise, clive l’opinion et entraîne le durcissement des lois Daladier qui  vont limiter l’accueil de ces « indésirables » comme évoqué dans l’article « présentation du camp ». C’est dans ce contexte que seront accueillis 2400 Espagnols à Poitiers.

Dès 1937, les autorités locales se préoccupent de les rassembler dans un centre d’accueil administré par le service des réfugiés de la préfecture et les premiers arrivants sont dirigés vers une partie désaffectée de l’hospice Jean Macé, rue du général Sarrail. Ils sont entassés dans deux immenses dortoirs où ils tentent de préserver leur intimité en tendant des couvertures et dorment sur des paillasses à même le sol. Des habitants acceptent de les héberger. Quelques logements vétustes, vacants leur sont attribués pour un loyer bon marché. Mais la majorité, 800 hommes, sera assignée à résidence au camp de la route de Limoges. La construction de ce camp non encore terminée en décembre 1939, est achevée par les Espagnols eux-mêmes. Ils y sont gardés mais la circulation y est libre d’autant plus que certains ont trouvé un travail notamment à la fonderie Rocher près de l’octroi à l’époque, où se trouve le Confort Moderne aujourd’hui. D’autres sont embauchés à « La Pile Leclanché » de Chasseneuil telle la famille Nadal. Madame Mercedes Nadal et sa sœur Montserrat, après avoir en effet vécu sept mois dans un appartement du quartier Montierneuf, sont assignées à leur tour à résidence au camp de la route de Limoges. Elles racontent : « On dormait sur des paillasses. Il faisait un froid de canard. Nous n’avions rien à manger. Notre père allait chercher des herbes. Une chance nous pouvions sortir. » (extrait article Jean Jacques Boissonneau NR.)

Les Espagnols très rapidement vont quitter le camp et s’intégrer dans la population. De nombreux couples, pour conforter leur accueil en France, se forment et pensent faire des demandes en  mariage. Ignorants des procédures, ils n’obtiennent en fait que des reconnaissances d’identité et il leur faudra plus tard renouveler leur demande d’après madame Rosita Nadal. La famille Castillejo habite faubourg du Pont Neuf au terminus du tramway. Les filles Pepita et Rosita  sont scolarisées à l’école de la rue Cornet. Leur grand-père  a été de longues années un rebouteux apprécié. Mais d’autres Espagnols ont également fréquenté l’école Coligny.

Les recherches de Paul Lévy nous montrent qu’à partir de 1941, une vingtaine d’Espagnols resteront au camp de la route de Limoges pour des raisons politiques. Ils sont encore 10 en juillet 1944 à connaître la souffrance des autres internés.

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