René Bibault dit Jean des Bouzèdes

Le refus d’un instituteur poitevin. Des actes de résistance écrits par Jean Pierre Chabrol en 1958 dans son livre « Un homme de trop » et portés à l’écran par Costa Gravas en 1967 avec une pléiade d’acteurs comme Michel Piccoli, Jean-claude Brialy, François Perier ou Bruno Cremer.

Carte FFI de René Bibault

René Bibault
dit  » Jean des Bouzèdes  »

René Bibault a 19 ans lorsqu’en octobre 1940, à sa sortie de l’école normale de Poitiers il est nommé instituteur à St Julien L’Ars où enseigne déjà Henri Huyard. Il décide de résister à l’occupant avec Henri Huyard et Monsieur Cohadier huissier à St Julien L’ars. Il entre en contact avec le réseau Renard et participe à différentes opérations comme la constitution de faux papiers d’identité notamment. Joseph Riedenger professeur à St Stanislas et des membres du réseau Renard recueillent des aviateurs anglais dont l’avion s’est écrasé à Maillé et les cachent dans la Grand rue à Poitiers. René Bibault et Henri Huyard leur procurent des faux papiers et les conduisent à Civray d’où les résistants locaux leur font passer la ligne de démarcation. Ils rejoindront ensuite Marseille, l’Espagne et l’Afrique du Nord.

En juillet 1943, René Bibault perçoit la prime de départ pour le STO. Sa vie bascule alors. Au lieu de se rendre en Allemagne, il décide de rejoindre l’épouse de son frère prisonnier, elle-même réfugiée dans sa famille au Collet de Dèze en Lozère.

Des responsables locaux le dirigent dans une grange au lieu-dit « Le Crespin ». Il y forme un maquis où le rejoignent une vingtaine de réfractaires et trois anciens Sarrois des Brigades Internationales. Mais en janvier 1944, suite à une dénonciation, il est contraint de déplacer son groupe. C’est la marche en pleine nuit, à la boussole pour rejoindre Vialas. Le groupe est alors installé aux « Bouzèdes » dans une ferme forteresse dont les maquisards apprécient les bâtiments en bon état. Le ravitaillement est assuré par l’instituteur local René Evrard et le boulanger René Durand dit « Paillasse ». C’est de cette ferme que René Bibault dirigera les actions les plus audacieuses .
La plus notable est celle de l’attaque de la prison de Nîmes. L’état major FTPF de l’inter G décide de préparer l’évasion de deux dirigeants de la résistance italienne internés dans la centrale de Nîmes. Ce sont les maquisards de René Bibault, « Jean des Bouzèdes », qui opèreront avec un groupe « MOI » (Main d’Oeuvre Immigrée) commandé par Cristino Garcia. Tous les hommes se retrouveront dans le jardin de la Fontaine très obscur après le couvre-feu. « Louis », un gardien résistant, préviendra les détenus et s’arrangera pour être de service à la porte.

Le vendredi 4 février 1944 à 21h15, le groupe offensif pénètre dans la prison. Les deux autres équipes de René Bibault et les « MOI » se mettent en couverture. Les gardiens sont désarmés, le groupe guidé par « Louis », délivre les patriotes auxquels se joignent de jeunes prisonniers de droit commun qui deviendront d’ailleurs de valeureux maquisards. Dans la bousculade, Cristino Garcia se blesse à la jambe avec son revolver et doit être évacué. Le directeur, accourant au bruit du coup de feu est intercepté et conduit au poste de garde. Le poste de police de la rue des Greffes avisé par une voisine envoie quatre agents qui sont neutralisés. Le groupe protège le départ des hommes libérés et referme derrière lui la lourde porte blindée. Tous se hâtent alors,à la sortie de Nîmes vers Alès où un camion doit les attendre. Mais le camion qui devait transporter les patriotes libérés n’a pu se rendre au rendez-vous. Aussi, marchant la nuit, se cachant le jour, la petite troupe parcourt 130 km à travers bois et garrigues par un froid glacial. Des FTP et des paysans leur procurent nourriture et réconfort. Le 10 février, épuisés, ils arrivent aux Bouzèdes.

Pour assurer le ravitaillement et l’existence même de son maquis, René Bibault est amené à effectuer des « coups de main » à la Grande Combe au nord d’Alès, à la gendarmerie de Vernarède ou encore dans un magasin d’impression à Alès où ronéos, stencils, carbone, machines à écrire ont été mis à la disposition des résistants de Vialas.

Divers sabotages sont organisés ; à la petite mine d’antimoine du Collet de Dèze, à l’usine de charbon de bois près de Genolhac, ou encore sur la voie ferrée Paris-Nîmes avec le déraillement du train de marchandise dans le tunnel de Prévenchères. Dans la nuit du 23 avril le transformateur de la Felgerette est détruit. Toutes ces actions mobilisent police, milice et gestapo et le 15 mai 1944, averti d’une attaque de l’armée allemande forte de 800 hommes sur les Bouzèdes, le groupe se replie provisoirement dans la forêt de Bougès au-dessus du col de la Croix de Berthel avant de gagner la Lauze au-dessus du Collet de Dèze.

Dans l’euphorie du débarquement du 6 juin, René Bibault organise, en plein jour , une opération symbolique à la Grande Combe où il se fait remettre à la poste et à la perception de l’argent liquide contre reçu de la résistance. Puis il se rend au magasin de la mine où il prélève du ravitaillement pour son groupe.

Mais il prend contact à l’insu de ses supérieurs avec un agent de l’IS (intelligence service) britannique pour obtenir un parachutage d’armes qui lui font tant défaut. En effet le maquis ne possède qu’une unique mitraillette, quelques pistolets et des fusils Mauser que les paysans cévenols avaient ramenés de la guerre 14/18 pour chasser le sanglier. L’interrégion FTP le sanctionne aussitôt pour cette faute politique. C’est la dégradation immédiate. De capitaine, il redevient simple maquisard et est muté dans l’Ardèche.

Il confie alors le commandement à son adjoint, Gabriel Crouzaud, et rejoint Ollier dit « commandant Ravel » qui dirige les FTP de l’Ardèche. Ce dernier apprécie tout de suite sa valeur et l’affecte comme adjoint au commandant de la 7001 compagnie. Il participe à la bataille du Pouzin les 14,15,16 août 1944 et devient commandant du sous-secteur.

Engagé volontaire au 3ème bataillon de marche de l’Ardèche comme officier adjoint, il est capitaine à titre fictif. Il sera reconnu sous lieutenant FFI pour ne finir qu’adjudant-chef .

Après sa démobilisation le 1er septembre 1945, il retrouve son poste d’instituteur dans la Vienne. Fidèle à son engagement, il deviendra secrétaire départemental du Syndicat National des Instituteurs. En 1976, il fait valoir ses droits à pension et se retire 50 chemin du Sémaphore à Poitiers où il vit dans la discrétion qui l’a toujours animé.

Sources : témoignage oral de René Bibault (médaille de la Résistance) ; CD-ROM de l’Association « AERI- Résistance et Mémoire » : La Résistance en Ardèche.
      Rédigé par Louis-Charles Morillon.