Poitiers – Journée Nationale d’hommage aux victimes et héros de la Déportation – 26 avril 2015

Dans le cadre du 70ème anniversaire de la libération des camps de concentration et d’extermination, après les cérémonies à la prison de la Pierre Levée, au cimetière de Chilvert devant le monument aux victimes du réseau Renard, à la Butte de Biard devant le monument des 128 fusillés et devant le monument de la Résistance de Blossac, une réception était offerte par la ville de Poitiers dans les salons de Blossac.
Jean AMAND, président de l’Association des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes de la Vienne y a prononcé une allocution.

La Butte de Biard (novembre 1944)

Madame la Préfète, Monsieur le Député-Maire, Madame la directrice de l’ONAC de la Vienne, Messieurs les élus, Messieurs les représentants des autorités Civiles et Militaires, Messieurs les représentants des Associations d’Anciens Combattants, Mesdames, Messieurs, chers amis,

Il y a 70 ans s’ouvraient les portes des camps de concentration et d’extermination nazis. Le premier de ces camps libéré fut celui d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 1945.
Le monde découvrait alors l’inimaginable qui allait devenir l’indicible pour les déportés survivants: pouvoir témoigner de l’extermination à échelle industrielle et programmée de millions d’hommes, de femmes et d’enfants au nom de l’idéologie nazie basée sur la supercherie hitlérienne d’une soit disant  » race supérieure ».
Dans la 1ère moitié de l’année 1944, les troupes soviétiques lançaient de gigantesques offensives. Les forces alliées occidentales, parmi lesquelles les Forces Françaises Libres, grossies des contingents de l’Armée d’Afrique, luttaient dans des conditions difficiles en Italie et se préparaient aux décisives opérations de débarquement de Normandie et de Provence.
Sur le territoire national, à l’appel du Général de Gaulle, la Résistance intérieure généralisait la lutte armée qui allait, après le débarquement du 6 juin, se métamorphoser en insurrection nationale et par son Conseil National de la Résistance, fondé par Jean Moulin à l’initiative du Général de Gaulle, unifiait les Forces Françaises de l’ Intérieur au combat, préparait la restauration de la démocratie et planifiait la réorganisation économique et sociale de la patrie. Mais pour tenter d’entraver les actions de la Résistance qui allaient contribuer de façon décisive à la libération du territoire et à donner à la France aux côtés des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’URSS et de la Chine la place de cinquième grande puissance, les forces nazies et leurs alliés pétainistes conduisaient des opérations de répression et de persécution sans précédents.
Certes, répression des activités hostiles et persécutions, notamment antisémites, avaient débuté bien avant 1944, dès les lendemains de la défaite de 1940 et l’abolition par Pétain de la République. Déjà les convois de déportation de répression et surtout les principaux convois du génocide des juifs avaient acheminé d’importants contingents de victimes vers les camps de concentration et d’extermination sur lesquels S.S. et Gestapo régnaient en maîtres. Des opérations punitives aveugles avaient frappé, ici et là, des populations dont la seule faute était de ne pas avoir dénoncé les activités hostiles à l’occupant et à ses alliés du gouvernement de Vichy. En 1944 se nouèrent des drames qui sont dans toutes les mémoires, comme à Tulle, Oradour-sur-Glane, Maillé et tant d’autres lieux.
Opérations destinées à réprimer, persécuter et semer la terreur, mais qui ne détournèrent pas une fraction de plus en plus large de la population de s’engager dans la résistance, d’affronter l’ennemi les armes à la main et de lutter pour l’indépendance nationale et pour la restauration de la République.
Alors que les actions conjuguées des alliés et de la Résistance avaient permis la libération de la France à l’automne 1944, l’hiver qui suivit allait devenir pour les déportés l’un des plus meurtriers. Les rescapés des camps retrouvèrent la liberté seulement en mai 1945, souvent après de longues marches dites « Marches de la mort », après les évacuations des camps nazis, provoquées par l’encerclement des armées alliées. Des milliers de déportés, à bout de forces, ont péri le long de ces routes où celui qui tombait était assassiné par les S.S.
Jusqu’au dernier jour, les chambres à gaz et les fours crématoires ont continué à fonctionner, poursuivant l’application de la doctrine hitlérienne d’élimination physique des races dites inférieures et des opposants au régime nazi.
Aujourd’hui, 70 années après ce drame unique dans l’histoire de l’humanité, les déportés et les familles des victimes appellent leurs concitoyens et notamment la jeunesse à se souvenir et à prendre conscience de la vigilance qu’il appartient à chacun de déployer pour préserver l’héritage humaniste de la Résistance. Ils leur font confiance pour sauvegarder et développer les idéaux de ces femmes et de ces hommes qui se levèrent pour la libération, souvent au prix de leur vie.
Animés des mêmes préoccupations, les déportés, les internés et les familles des victimes condamnent avec force les propos et gesticulations nauséabonds des négationnistes, des relativistes de l’extrême-droite en France et en Europe.
Dans ce monde où la barbarie n’est pas vaincue, où racisme et xénophobie continuent de faire des ravages, le message des déportés est toujours là qui nous interpelle, à l’image du serment que les rescapés de Buchenwald ont prononcé sur les lieux mêmes du camp après leur libération:
« Nous, ceux de Buchenwald avons mené, en beaucoup de langues, la même lutte dure et impitoyable. Cette lutte exigeait beaucoup de victimes et elle n’est pas encore terminée. Nos tortionnaires sadiques sont encore en liberté. C’est pour ça que nous jurons, sur ces lieux de crimes fascistes, devant le monde entier, que nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera condamné devant le tribunal de toutes les nations. L’écrasement définitif du nazisme est notre tâche. Notre idéal est la construction d’un monde nouveau dans la Paix et la Liberté. Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles.
Levez vos mains et jurez que vous êtes prêts à la lutte ».

Je vous remercie.

Poitiers le 26 avril 2015