Inauguration d’une place à la mémoire des résistantes et résistants de la « Manu » à Châtellerault – 8mai 2012

A Châtellerault, le 8 mai 2012, dans le cadre des commémorations marquant la Victoire de 1945, en hommage aux Résistantes et Résistants de la manufacture qui ont lutté contre l’occupant nazi, une place des « Résistantes et Résistants de la Manufacture 1940-1945 » à été inaugurée sur le site de la Manu. Etaient présents le député maire Jean Pierre ABELIN, Le sous préfet Maryse MORACCHINI, la directrice de l’ONAC Stéphanie SAVARIT, beaucoup d’élus, anciens « manuchards », habitants et associations. En inaugurant cette place des Résistantes et Résistants c’était aussi rendre hommage à tous les combattants pour la liberté qui ont lutté, pour certains les armes à la main, contre l’ennemi occupant nazi, implacable de sauvagerie et de brutalité. Il s’agit d’un geste porteur de valeurs pour les jeunes générations, à la mesure de l’engagement des héros de ce haut lieu de la mémoire ouvrière locale.

Jean-Pierre Abelin

Dès le 10 juin 1940, le site de la manufacture est une cible privilégiée de l’ennemi. Le 22 juin, c’est le premier lieu occupé dans la ville par l’avant-garde des troupes allemandes. Dès lors l’usine réquisitionnée devient la propriété de la Wehrmacht et avec la complicité du directeur français, le personnel est contraint de travailler pour l’occupant. Un directeur allemand prend ses fonctions le 6 septembre 1940 aux côtés du directeur français. Tout devient tragique, insupportable, ces brimades étant de plus en plus intolérables le personnel décide de savoir dire « Non ! Non à l’inacceptable, il faut Résister ! Résister contre l’occupant, Résister contre le nazisme ! »
Dans la région, la manu est l’un des foyers de la Résistance le plus important. Dès octobre 1940 les résistants organisent des actions très fortes. L’une des plus remarquables a lieu lors des réquisitions des ouvriers pour aller travailler en Allemagne. Ce 26 novembre 1942, une grève est lancée par des « manuchards » lassés de la collaboration industrielle imposée. Partant de l’atelier 39 et 39 bis, à 15h Marcel FILLAUD, (résistant F.T.P.) coupe le disjoncteur électrique et toutes les machines s’arrêtent, témoigne Renée MOREAU. Ouvrières et ouvriers sortent des ateliers et défilent dans les artères de la manu en scandant « Non aux réquisitions, Non au S.T.O. » (Service du Travail Obligatoire). Ces grévistes regroupés devant les bureaux des directeurs allemand et français font éclater une vibrante Marseillaise. C’est un des épisodes les plus forts de l’histoire de la manu.
L’historienne Marie Claude ALBERT explique : les femmes ont Joué un rôle essentiel dans cette résistance pionnière. Pour chasser les nazis, âgées d’à peine 20 ans, elles s’investissent d’abord au nom d’un idéal patriotique. Elles mènent une résistance active, confectionnent des tracts et les glissent avec la presse clandestine, (le Manuchard libre, l’Humanité clandestine, la Vérité), dans les boites aux lettres. Elles sortent des armes dans les boites à outils. Ce sont aussi des actions individuelles comme la simulation d’accidents du travail ou l’enregistrement de malfaçons lors du contrôle des pièces pour ralentir la production. Des figures comme Renée MOREAU, avec Marcel FILLAUD et une quarantaine d’ouvriers et ouvrières forment dès octobre 1940 un embryon de résistance locale, « L’Organisation Spéciale » affiliée en février 1941 aux FTP. Léone Baugé, agent de liaison et chef du 6ième groupe FTP secteur sud, Eliane DEVERGNE (épouse GIRAUDEAU) alias Lily, agent de liaison au niveau régional et avec la région parisienne ainsi que Jeanne VARENNES.
La répression allemande n’épargne pas ces résistants, de plus en plus surveillés, mutés, voire licenciés. A partir de la fin de l’année 1942, les arrestations se multiplient (151), souvent suivies d’internement (51), de déportation (76), d’exécution pour 19 d’entre eux et l’arrestation de Pierre MITTAUD alias « Pierrot », employé dans les services de comptabilité, agent de liaison et membre de plusieurs mouvement et réseaux de résistance, mort en déportation.
En hommage à tous ces Résistantes et Résistants, il est du devoir de ne pas laisser s’éteindre les mémoires, de rappeler les leçons de l’histoire qui appellent à la lucidité et à la vigilance. Cette inauguration fait partie de ce travail de mémoire.

Texte rédigé par la FNDIRP de Châtellerault