24 juin 2012 – 68 ème anniversaire de la libération du camp de Rouillé et du massacre des 31 résistants à Vaugeton (Celle l’Evescault 86)

A l’occasion du 68ème anniversaire de l’exécution par l’armée nazie et la milice de Pétain de 31 résistants du maquis de Saint-Sauvant, à Vaugeton commune de Celle l’Evescault, Jean AMAND Président de l’Association des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes de la Vienne, dans son allocution a rappelé les causes et les conséquences du nazisme.

Jean Amand Président des Déportés et Internés

Nous avons commémoré cette année le 67ème anniversaire de la libération des camps de concentration et celui de la victoire de la résistance et des armées alliées après la capitulation sans conditions de l’Allemagne nazie. Le régime hitlérien était basé sur la conquête de l’espace vital, sur la prétendue supériorité de la race aryenne appelée à dominer et diriger le monde pour 1000 ans, sur l’esclavage et sur l’extermination à échelle industrielle des populations décrétées inférieures par l’auteur de « Mein Kampft », Adolph Hitler.

La guerre et l’occupation imposées par les armées de l’Allemagne nazie dans presque tous les pays d’Europe ont coûté la vie à plus de 50 millions de personnes dont plus de 20 millions en Union Soviétique. De 1940 à 1944, la Résistance dans la Vienne a été très active dans ce département coupé en deux par la ligne de démarcation. Des premiers groupes de l’ « Organisation Spéciale » aux « Francs Tireurs et Partisans » en passant par le « Front National de Libération de la France », ce sont des centaines de patriotes qui ont engagé l’action contre l’occupant nazi et le gouvernement de la collaboration de Vichy. Nombreux l’ont payé de leur vie dans les camps de concentration, devant les pelotons d’exécution comme à la Butte de Biard, torturés à mort à la prison de la « Pierre Levée » ou exécutés avec la plus extrême barbarie comme ce qui s’est passé sur le lieu même où nous sommes réunis aujourd’hui.

La Résistance française en 1944 , avec courage et détermination, poursuit ses actions de sabotage des voies ferrées, de harcèlement  des voies routières, causant des pertes humaines et matérielles importantes au sein de l’armée d’occupation. S’installe alors un climat d’insécurité  chez l’occupant qui contribue à démoraliser ses troupes.

Ils étaient 31 dont 28 récemment libérés du camp d’internement de Rouillé, à la veille de leur départ vers un camp de concentration. Ces 28 résistants qui comptaient de nombreux combattants de l’armée républicaine espagnole se sont mis aussitôt à la disposition de la Résistance dans le but de continuer le combat contre les nazis au sein du maquis de Saint Sauvant.

Le 27 juin une division S.S. partie rejoindre le front de Normandie encercle la forêt de Saint Sauvant. Un combat inégal  s’engage entre les nazis et les maquisards. Marcel Papineau, alias capitaine Bernard, chef du maquis y trouve la mort, faisant preuve d’un remarquable courage. Les autres sont pris et assassinés ici à Vaugeton sous les yeux de quelques prisonniers dont Marco Marcovitch que les bourreaux obligent à assister au massacre. Marcovitch et ses compagnons seront conduits à la prison de la Pierre Levée, puis transférés à Compiègne et déportés au camp de Buchenwald. Deux mourrons au camp ou pendant le voyage du retour, quatre survivront à l’épreuve concentrationnaire.

Ainsi la tragédie de Vaugeton s’est-elle inscrite dans la longue liste des crimes perpétrés par les nazis dans notre pays.

 La victoire des alliés le 8 mai 1945, puis la constitution du tribunal international de Nuremberg appelé à juger les responsables hitlériens pour crimes contre l’humanité et la création de l’Organisation des Nations Unies allaient jeter les bases pour construire un monde plus juste, dans la paix et la liberté reconquises.

Il est du devoir des générations actuelles et futures d’assurer par leur vigilance cet avenir de liberté, d’indépendance et de paix, valeurs pour lesquelles les 31 de Vaugeton ont donné leur vie.

Le résistant  écrivain et poète Vercors, dans sa préface du livre « La Résistance, la liberté en héritage » nous interpelle en ces mots : « Les grands malheurs des hommes viennent de ce qu’ils les oublient sitôt passés et de ce que les générations suivantes, qui ne les ont pas subis, sont prêtes à se lancer dans de nouvelles mésaventures. C’est donc presque un devoir, pour ceux qui se souviennent, de s’évertuer contre cet oubli et d’avertir la jeunesse qui les suit ».

Cette jeunesse a bien entendu le message si on en juge par la participation cette année dans la Vienne des lycéens et collégiens au Concours National de la Résistance et de la Déportation. Près de 150 élèves ont travaillé sur le thème : « Résister dans les camps nazis ». Sujet difficile mais passionnant à traiter. Le jury du concours a examiné des travaux et devoirs de très grande qualité, ce qui montre l’intérêt dont les élèves et professeurs font preuve concernant la transmission de la mémoire de la Résistance et de la Déportation.

Parmi les lauréats, le collège Jean Monet de Lusignan s’est une nouvelle fois distingué en obtenant les 1er et 3ème  prix en catégorie travaux collectifs. Je félicite et remercie ces élèves et professeurs devenus par leur travail, nouveaux passeurs de mémoire.

Les candidats pour réaliser leurs travaux utilisent de multiples supports : l’écriture, l’image numérique, le son ou la bande dessinée, qu’il s’agisse de devoirs personnels ou collectifs, réalisés le plus souvent avec qualité et pertinence.

C’est pourquoi les 7 associations de la Résistance et de la Déportation de la Vienne, membres du jury du concours, se sont opposées de façon unanime à la modification des programmes d’histoire concernant notamment la période de la Résistance et à la suppression de l’enseignement obligatoire de l’histoire au niveau des classes de terminale scientifique, décisions politiques qui mettent en péril l’avenir même du concours, de la transmission de la mémoire et de l’apprentissage de la citoyenneté.

Pour mieux féliciter et remercier les élèves qui participent à ce travail de mémoire, je citerais ces mots de Vercors : « C’est en quoi aussi la résistance française est exemplaire et mérite d’être contée à la jeunesse. Afin que celle-ci puisse mesurer le terrible péril qu’elle-même aurait vécu si le nazisme avait été vainqueur ; et l’ayant mesuré, ainsi que l’héroïsme de ces hommes de l’ombre, en leur rendant hommage, lutter contre l’oubli ».

Avant de conclure, je remercie pour leur présence les enseignants et les élèves de l’école de Celle l’Evescault ainsi que le Maire de cette commune qui nous accueille chaque année avec la générosité et la fidélité que l’on sait.

Mais on ne saurait terminer cette cérémonie sans évoquer la mémoire de Hubert Marcel Venault, maire de Celle l’Evescault pendant plus de 40 ans, décédé le mois dernier. J’ai eu le plaisir de le rencontrer en 1967, étant résident dans cette commune durant 5 années. Fidèle au souvenir de la Résistance et de ses acteurs, il était attaché aux valeurs humaines, témoignant souvent devant les élèves des écoles, lui qui avait 14 ans lorsque s’est déroulée la tragédie de Vaugeton. Il était l’un des membres fondateurs de l’Association pour la Mémoire de la Résistance de l’Internement et de la Déportation en Pays Mélusin qui organise chaque année les cérémonies de la libération du camp de Rouillé et de la tragédie de Vaugeton. Nous ne l’oublierons pas.

                                         Jean AMAND le 24 juin 2012