1er prix première catégorie – niveau lycées -devoir individuel

Devoir de Sofiane CORREA DE SA – Lycée « Les Feuillants » – Poitiers – Sujet n° 1 – composition historique : « L’aide aux personnes persécutées et pourchassées durant la Seconde guerre mondiale : ses acteurs et ses modalités. Vous montrerez en quoi il s’agit d’une forme de Résistance ».

Sujet n° 1 : Composition historique

Juin 1940. La France s’incline face à la Wehrmacht allemande et signe un armistice avec l’Allemagne. L’une des conséquences de cet armistice est le partage de la France en deux grandes parties, la zone nord et la zone sud, plus une autre partie appelée la zone interdite. Dans la zone nord de la France, la zone occupée, les nazis s’installent et gèrent les affaires de cette zone qui s’étend du nord jusqu’au midi de la France ainsi que sur le littoral Atlantique. Dans la zone sud de la France, dite « libre », le Maréchal Pétain, alors chef du conseil, installe son gouvernement à Vichy et obtient les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs, et met en place la « révolution nationale », ensemble d’idées représentatives du nationalisme français d’avant-guerre. L’ Etat de Vichy est en effet un état autoritaire, xénophobe, antisémite et raciste qui, très vite, va pourchasser sans relâche et persécuter plusieurs groupes de personnes. Toutefois des personnes vinrent en aide à ceux qui étaient pourchassés et persécutés par le régime de Vichy. Qui étaient-ils ? Quelles étaient leurs motivations ? Quelles aides apportèrent-ils et en quoi pouvons-nous dire que leurs actes constituaient une forme de résistance ?

Le régime de Vichy est un état « exclusioniste » et, comme nous l’avons dit dans l’introduction, un état autoritaire. En même temps que les nazis qui avaient déjà appliqué dans la zone occupée toutes les mesures « exclusionistes » et racistes du 3ème Reich, le régime de Vichy applique dans la zone occupée des séries de décrets antisémites qui interdisent par exemple aux juifs l’accès aux professions libérales, et qui limitent les possibilités d’accès à la scolarisation pour les juifs. Dans le même temps le régime de Vichy s’en prend aux divers groupes de personnes qui, selon Vichy, sont jugés indésirables. Les Francs-Maçons, car en faveur d’idées humanistes et progressistes, le régime de Vichy les considère comme la personnification même de la République qu’il a abattue. Les communistes, dont certains figurent déjà sur les listes d’otages à abattre lors des représailles, comme Guy Môquet par exemple ; les socialistes, Léon Blum sera par exemple déporté, les républicains et les démocrates, les gaullistes, et les intellectuels qui s’opposent à la dictature de Vichy, ce même Vichy qui cherche à s’en débarrasser. Le régime de Vichy s’en prend également aux immigrés, boucs-émissaires par excellence des ligues d’extrême droite, aux réfugiés et républicains espagnols, ainsi qu’aux antifascistes polonais, autrichiens, tchèques et de toute autre nationalité et ainsi qu’aux militaires alliés.

Le régime de Vichy ainsi que l’administration allemande de la zone occupée disposent d’appareils, de moyens de traque, d’une efficacité redoutable. Outre la police, l’Etat de Vichy dispose en 1942 de la Gestapo, qui agit maintenant dans toute la France entièrement occupée, et en 1943 de la milice française créée par Pierre Laval, principal artisan de la collaboration de la France avec l’Allemagne nazie.

Etant donné l’efficacité et la hargne de ces appareils d’état, les groupes et populations pourchassés et persécutés par le régime de Vichy n’auraient eu que trop peu de chances de s’en sortir si elles n’avaient pu bénéficier d’aides, parfois même par des membres de l’administration de Vichy, bien que ceux-ci furent d’une extrême rareté.

Des hommes et des femmes ont en effet porté secours aux hommes, aux femmes et aux enfants que le régime de Vichy traquait en parallèle avec l’administration de la zoneoccupée. Ils venaient de tous milieux sociaux et ont apporté de l’aide pour diverses raisons, par patriotisme et/ou haine de l’occupant, pour des valeurs humaines et parfois, malheureusement pour de l’argent. Certains d’entre eux qui ont sauvé des juifs reçurent le titre de « Justes parmi les nations », d’autres ont reçu comme hommage le nom d’une rue, d’une place ou d’une école, d’autres encore furent bien connus car ils occupaient des postes importants, mais dans la majeure partie des cas, ces personnes qui apportaient de l’aide aux persécutés et aux pourchassés restèrent anonymes.

L’importance de l’aide apportée dépendait souvent des milieux sociaux. Ainsi des policiers, des secrétaires de mairie, des consuls et des directeurs d’écoles rurales ou d’églises rurales pouvaient apporter une aide bien plus conséquente, car ils détenaient ou bien une position stratégique de choix ou encore pouvaient accomplir, c’est le cas dans le monde rural, des actions discrètes. Le nombre d’acteurs quant à lui dépendit du basculement de l’opinion publique qui en 1942 avait désapprouvé la rafle du Vél d’Hiv et qui en 1944 ne soutenait que peu la politique de collaboration de Pierre Laval, alors chef du gouvernement depuis deux ans.

Aider les hommes et les femmes persécutés fut finalement la première forme de résistance, avant même la résistance armée dans la mesure où les risques encourus étaient les mêmes et où l’état d’esprit des acteurs était souvent le même que celui des acteurs de la résistance armée. Retrouver la liberté de la France d’avant guerre, chasser l’occupant et tout ce qui le représente sur le territoire français. Cette volonté avait un prix et beaucoup payèrent par le sacrifice de leur vie.

L’aide apportée aux personnes pourchassées et persécutées prit différentes formes et l’une de ces premières formes fut le passage de la ligne de démarcation. Dès 1940, pour des valeurs humaines, patriotiques ou lucratives, des hommes et des femmes, seuls ou en réseaux permirent entre autre à des juifs, des aviateurs et soldats alliés, des opposants aux nazis, de passer en zone libre pour continuer l’action ou rejoindre les armées alliées. Ainsi au nord de la Vienne, à Châtellerault, le réseau Marie-Odile permit à des opposants politiques, des juifs et des soldats alliés de passer en zone libre. Cette forme d’aide prit partiellement fin en 1942 lorsque la France entière fut occupée mais d’autres formes de passage étaient déjà en place, preuve que la résistance prenait une certaine longueur d’avance. Le Père Fabre par exemple, qui dirigeait un collège à Annemasse permit de nombreux passages vers la Suisse, un mur d’enceinte « servait » en effet de frontière avec le pays et très tôt le Père Fabre mit cette filière à disposition de la résistance. Il le paya de sa vie.

A Bordeaux, Aristide de Sousà Mendès ambassadeur portugais en France, délivra de nombreux visas pour les juifs et les antifascistes. Mais que faire cependant pour ceux qui restaient à l’intérieur du territoire français ? D’autant que dès 1943 les réfractaires au STO s’additionnent à ceux qu’il fallait déjà aider et que l’antisémitisme prenait la forme de l’extermination systématique des juifs.

Là encore il y eut une certaine diversité d’aides. Gilbert Lesage par exemple connaissait bien les décrets de Vichy et comme celui-ci travaillait comme agent double et pour Vichy et pour le comité de Nîmes, sa connaissance des lois lui permit de sauver des juifs et des immigrés en les retirant des camps d’internement à l’aide de médecins parfois complices.

Roger Belbéoch, policier communiste parisien prévint des familles juives de la rafle du Vél d’Hiv, d’autres policiers firent aussi de même mais la plupart d’entre eux gardèrent une attitude d’obéissance à l’égard des ordres.
Les églises et des clercs, bien que soutenant l’image du Maréchal Pétain, cachèrent au sein de leurs églises ou écoles des enfants juifs. Le Père Jacques d’Avau par exemple cacha des enfants juifs dans son monastère et le paya de sa vie, il mourut à Mauthausen.

Des instituteurs aussi apportèrent du secours, notamment aux enfants juifs que la barbarie nazie n’épargnait pas, comme Madame Montau, directrice d’un collège de Soissons qui, grâce à son concours permit de sauver une petite fille juive.

Des médecins apportèrent aussi une certaine forme d’aide aux réfractaires du STO et aux maquisards. Ce fut le cas de Paul Rogeon qui parvint à monter trois hôpitaux clandestins rudimentaires à Usson-du-Poitou et où il y soigna des maquisards ou délivrait des certificats de complaisance aux réfractaires au STO.

Des particuliers qui n’avaient pas forcément de position stratégique sauvèrent aussi des vies. Ce fut le cas de Norbert Fillerin dans le Nord Pas-de-Calais et de André Faye qui, l’un comme l’autre, sauvèrent des aviateurs et soldats alliés.

Les exemples de personnes ayant sauvé des vies humaines que la barbarie nazie voulait à tout prix détruire abondent, mais cette forme de résistance sans arme fut très souvent anonyme. En cette période de trouble, de 1940 à 1944, des hommes et des femmes sacrifièrent leur vie ou prenaient des risques en apportant de l’aide à ceux qui étaient dans le besoin. C’était d’un grand courage et d’une grande force que de faire passer les valeurs humaines avant sa propre vie. Cette forme de résistance s’explique comme une réaction de refus de l’occupant et de son idéologie dangereuse. Cette forme de résistance était comme un soutien actif à la résistance armée.